Combien de CO2 l’humanité peut-elle encore émettre si elle veut tenir les objectifs de l’accord de Paris ? Une nouvelle étude montre qu’il reste sans doute moins de temps que prévu pour limiter les émissions et le réchauffement, tout en soulignant les incertitudes entourant cette question. Selon cette analyse parue ce lundi dans Nature Climate Change, il reste environ six ans avant que la barre de 1,5°C de réchauffement ne soit franchie, au rythme actuel des émissions de carbone (soit environ 40 milliards de tonnes chaque année).
Se fondant sur des données et une méthodologie réévaluées par rapport aux précédentes estimations, notamment le dernier rapport du Giec, Robin Lamboll de l’Imperial College et son équipe ont recalculé le « budget carbone » restant. C’est-à-dire la quantité nette de CO2 qui peut encore être émise sans dépasser un seuil de réchauffement donné. Conclusion : « la fenêtre pour éviter les 1,5 degré se réduit », souligne Robin Lamboll. Joeri Rogelj, l’un des autres contributeurs, est encore plus radical : « Il est clair que les options probables pour limiter le réchauffement à 1,5°C ont disparu, et ce depuis un certain temps », a-t-il déclaré.
Des conséquences funestes
Depuis l’ère industrielle, la planète s’est déjà réchauffée de 1,2°C en moyenne. Et les dernières estimations de l’observatoire européen Copernicus montrent que +1,5 °C pourrait intervenir d’ici 2034, et non au milieu du siècle comme le prévoient les politiques climatiques à travers le monde.
Pour être effectivement atteinte, cette limite devra être mesurée sur plusieurs décennies, mais son franchissement pourrait être observé ponctuellement beaucoup plus tôt, ouvrant la voie à des conséquences funestes en cascade comme la fonte des calottes glaciaires, le dépérissement des forêts… Il est ainsi « hautement probable que 2023 excède 1,5 degré », estime Robin Lamboll. Pour rester sous les 2 degrés, un « dernier recours » selon les scientifiques, la marge de manœuvre n’est guère plus élevée.
Ne pas baisser les bras
Il reste toutefois de nombreuses incertitudes, d’autres facteurs comme le réchauffement par les autres gaz à effet de serre comme le méthane ou l’effet refroidissant des aérosols (particules fines), pouvant également intervenir, soulignent les auteurs. « C’est comme jouer à la roulette russe avec deux balles. Peu de gens seront surpris si quelqu’un se fait tirer dessus avec de telles chances », met pourtant en garde Joeri Rogelj. Néanmoins les auteurs insistent sur le fait qu’il ne faut pas baisser les bras.
« Même si nous ne limitons pas le réchauffement à 1,5 degré, nous en tenir à des émissions limitées nous donnera de meilleures chances de rester à 1,6 ou 1,7 degré, ce qui serait un très bon résultat compte tenu de la direction dans laquelle nous nous dirigeons actuellement ». Les derniers rapports scientifiques montrent que nous sommes actuellement sur une trajectoire de réchauffement à +2,4 degrés ou plus d’ici la fin du siècle.
Les auteurs pressent les gouvernements d’agir rapidement, à un mois de la COP28 de Dubaï où la baisse rapide des émissions, et les moyens d’y parvenir, sera l’un des thèmes de négociation les plus difficiles.