Négociations dans les services publics, mon unité de soins

Je fréquente depuis plus d’un mois une unité de soins d’un hôpital de Montréal. Dans cette unité de soins, chaque acteur travaille de concert pour assurer la guérison des patients. Chacun sait son rôle, chacun fait un travail spécialisé qui demande attention, connaissance, capacité de travailler en équipe, empathie. 

Dans mon unité de soins, les infirmières sont l’élément vital, essentiel qui prodigue les soins. Une de leurs fonctions consiste bien sûr à administrer les médicaments, mais avant tout, elles assurent la continuité des soins et le bon déroulement des traitements. Avant chaque traitement, elles nous interrogent sur les effets secondaires et notre sentiment de bien-être. Elles connaissent les effets secondaires des traitements et doivent alerter les médecins en cas de problème. 

Elles doivent connaître le fonctionnement des logiciels de l’hôpital et remplir une foule de rapports pour chaque patient. Avant l’administration des médicaments, elles vérifient notre nom, la dose à administrer, les débits de perfusion. Ces informations sont contre-vérifiées par une autre infirmière selon le protocole de soins. Une erreur pourrait avoir de très graves conséquences. 

Chaque infirmière est une professionnelle qui se sait responsable de ses gestes et qui agit en conséquence. Les infirmières s’occupent de moi et des autres patients en y mettant toute l’empathie possible. Pour elles, nous ne sommes pas des numéros et, pour ma part, je comprends qu’elles sont les agents essentiels de mes soins et de ma guérison. Actuellement dans mon unité de soins les infirmières et infirmiers sont en sous-effectif, et doivent combler les manques. 

L’unité de soins comprend aussi les médecins, une pharmacie, un centre de prises de sang et d’autres services. Chacun de ses membres agit en synergie avec le reste de l’équipe. Il devient évident pour qui fréquente une unité de soins que les infirmières ne peuvent être déplacées d’une unité de soins à une autre sans préavis, sans formation, puisqu’elles effectuent des tâches spécialisées. 

Dans mon unité de soins, six semaines de formation sont minimalement nécessaires, mais l’apprentissage est continuel. Étant donné que les infirmières sont des professionnelles de la santé, elles devraient pouvoir s’opposer à un transfert si elles ne s’estiment pas compétentes pour assurer les soins. Agir autrement n’est-ce pas mettre en péril la qualité des soins ? 

Un affront

L’actuel gouvernement a fait affront aux syndiqués par des offres salariales scandaleuses et les a contraints à la grève. Ce sont les travailleurs, les patients et la population qui souffrent du manque de vision du gouvernement et de son incompétence en matière de relations de travail. Il aurait été si simple de commencer plus tôt la négociation. Il aurait été juste d’assurer à tous les syndiqués un ajustement à l’indice des prix à la consommation réel qui aurait stabilisé les effectifs pour de longues années. 

Mais ce gouvernement a l’outrecuidance d’inclure dans le calcul de ses offres les baisses d’impôt, qui l’empêchent de rémunérer ses employés ! Ce gouvernement n’a pas saisi la fatigue et le ras-le-bol des soignants, des éducateurs et de la population. Si les demandes, au sujet desquelles il se targue d’efficacité et de souplesse, sont imposées aux syndiqués, les professionnelles de la santé n’accepteront plus de prodiguer des soins dans des conditions de plus en plus dégradées et stressantes. Il y va de leur santé mentale et de leur sens du professionnalisme. 

Le gouvernement ajoute au stress de la négociation l’adoption de la loi 15. Cette loi privilégie la notion de services et d’usagers à la notion de soins et de patients. Elle brise l’unité au sein des services de soins. Elle veut rapatrier les infirmières des agences, mais créer des hôpitaux privés qui siphonneront les ressources infirmières. En fusionnant les établissements, en permettant le transfert des ressources vers les autres établissements, en supprimant le rôle des syndicats dans la gestion des horaires, elle vise à faire de Santé Québec une agence de placement privé. Elle suit la ligne du mode de gouvernance caquiste : perte de contrôle professionnel, perte de démocratie locale, imposition par le haut de solutions, augmentation de la bureaucratie, centralisation. 

Peut-on vraiment confier à un gouvernement et à un ministre incapables de résoudre les problèmes de la première ligne une réforme qui ne suscite ni adhésion ni consensus ? Je tiens à remercier du fond du coeur les infirmières qui me soignent, ainsi que toute l’équipe de MON unité de soins. Ces professionnelles et toute l’équipe de l’unité de soins n’ont pas besoin d’une énième réforme, mais de soins justement, d’écoute, d’attention, d’une diminution de leurs charges de travail. 

Elles et ils veulent et je veux que leur travail et leur professionnalisme soient valorisés et payés à leur juste valeur. Est-ce trop demander ? Est-ce parce que ces professionnelles sont majoritairement des femmes que le gouvernement ne veut pas entendre leurs demandes et leurs revendications ? 

Aucune des personnes qui me soignent ne dirige un hôpital ou une clinique. Si le réseau de la santé fonctionne encore, c’est par leur travail, leur implication, leurs compétences et leur professionnalisme. Mais c’est la marque des incompétents de blâmer les autres pour leurs propres turpitudes, leurs incapacités et leur impuissance. 

Les déclarations incohérentes et intempestives du premier ministre ainsi que ses offres insultantes sont la marque de son manque de vision, d’une méconnaissance du terrain et de son incapacité à prendre le pouls de ses employés et de la population. Il nous a dirigés vers une crise sociale majeure avec étourderie. De cela je ne l’excuse pas. Ses excuses ne seront pas nécessaires, cette fois. 

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