Nora Felder, une star dans les coulisses de l’industrie musicale

Des dizaines de professionnels de l’industrie musicale de partout au monde sont en ville pour prendre part à la grande vitrine M pour Montréal, qui, jusqu’au 18 novembre, met en scène plusieurs artistes établis — Milk & Bone, Marie Davidson, Philippe Brach, Choses Sauvages, Ouri — et à découvrir. Or, l’une des personnes les plus attendues par le milieu est inconnue du grand public : Nora Felder, superviseuse musicale dont le nom défile au générique de la série Stranger Things, diffusée sur Netflix. En amont de la conférence qu’elle donnera aujourd’hui, Le Devoir s’est entretenu avec elle.

Il y aura foule au cinéma Quartier latin mercredi après-midi pour assister à la discussion entre Nora Felder et sa collègue Heather Guibert, vice-présidente de la Guild of Music Supervisors. Felder, superviseuse musicale d’expérience qui a fait ses débuts dans l’industrie cinématographique au milieu des années 1990, est aujourd’hui une star dans son domaine grâce à sa sélection musicale remarquée pour les séries Yellowjackets (sur Showtime depuis 2021) et Stranger Things, dont la production de la cinquième et ultime saison vient de reprendre.

« On ne peut jamais prédire quel projet aura du succès, affirme Nora Felder, mais lorsque celui de Stranger Things a explosé, j’ai été inondée d’offres pour travailler sur d’autres productions. » Les grèves simultanées des scénaristes et des acteurs (celle des comédiens s’est conclue le 9 novembre dernier) ont subitement allégé son agenda. « Nous allions commencer à tourner Stranger Things lorsque tout s’est arrêté. Idem pour les suites de What We Do in the Shadows [pour la chaîne FX] et Yellowjackets. Ma charge de travail a radicalement diminué pendant quelques mois, mais je sens que je devrai travailler deux fois plus fort l’année prochaine pour boucler tous ces projets ! »

Nora Felder aménage volontiers son horaire pour participer à des événements comme M pour Montréal, sachant très bien qu’elle sera, encore, une des intervenantes les plus sollicitées par les éditeurs et les maisons de disques puisque ses sélections musicales ont le pouvoir de lancer, ou de réanimer, des carrières.

« En toute honnêteté, cette attention me dépasse parfois un peu, mais j’aime ces conférences. Chaque fois, j’essaie de me mettre dans l’ambiance d’une conversation avec l’intervieweur pour donner aux gens de l’industrie l’impression que je m’adresse à eux individuellement, parce que je n’ai autrement pas le temps de le faire. Je veux leur expliquer mon travail, d’autant plus que je reçois constamment des courriels me demandant ne serait-ce que 15 minutes de mon temps pour que je les écoute me parler de leurs artistes. C’est impossible d’écouter toute la musique qu’on m’envoie ! »

Quand ça marche, ça marche ! Parfois, la chanson dont j’ai besoin me vient d’un coup en tête.

Elle dit se fier à son instinct, autant qu’à sa grande mémoire musicale, pour remplir ses mandats. « Quand ça marche, ça marche ! Parfois, la chanson dont j’ai besoin me vient d’un coup en tête. Souvent, je retourne fouiller dans mon immense collection de vinyles et de CD, ou une idée me vient quand j’entends la musique jouer dans une voiture qui passe près de moi. Ou, de manière plus classique, j’épluche mes courriels, j’écoute les albums qu’on m’envoie. L’important, c’est de toujours garder son radar allumé. »

Cas de figure

 

Nora Felder a frappé deux fameux coups de circuit en proposant aux producteurs — « La superviseuse musicale propose des chansons, mais c’est le réalisateur et la production qui ont le dernier mot », souligne-t-elle — d’utiliser la chanson Running Up That Hill de Kate Bush ainsi que Master of Puppets de Metallica pour accompagner deux des plus mémorables scènes de la dernière saison de Stranger Things.

Deux beaux cas de figure qui explicitent le travail de Felder et de ses collègues. Le cas Bush est particulièrement intéressant : la chanson correspond évidemment à l’époque dans laquelle est campée la série, mais sortait aussi un peu de nulle part. On revoit la scène en se disant que le choix est fameux. « Le réalisateur me décrit la scène en évoquant son atmosphère et l’émotion qu’on veut provoquer, explique Nora. La musique a ce pouvoir de suggérer différentes émotions — un simple son peut modifier le ton d’une scène. Ici, le texte de la chanson devait aussi avoir un lien avec la scène, et c’est souvent à partir du texte que je trouve la bonne chanson. »

Elle a eu ce flash : il faut Running Up That Hill. Restait ensuite à obtenir les droits, ce qui n’est pas une mince affaire avec Kate Bush, artiste recluse, rarement aperçue en studio ou sur scène, et qui ne s’est même pas déplacée la semaine dernière pour son intronisation au Rock & Roll Hall of Fame. Par chance, Nora Felder a appris que Kate Bush était fan de Stranger Things, « si bien qu’en lui écrivant cette longue lettre de présentation, je n’avais pas à tout mettre en contexte. Tout de même, je savais que je devais être précise, très détaillée, dans ma description de la scène qui nécessitait sa chanson pour qu’elle comprenne très bien comment celle-ci serait utilisée, et pour quel personnage ».

 


Sadie Sink dans le rôle de Max Mayfield lors de la scène dans Stranger Things, qui a remis la chanson Running Up That Hill de Kate Bush en tête des palmarès Netflix

Après la diffusion de l’épisode dans lequel Running Up That Hill était mise en évidence, son nombre d’écoutes sur Spotify a bondi de 9900 %. Un mois plus tard, la chanson était en première position des palmarès britanniques, et en huitième du Billboard américain. Au moment de sa sortie, en 1985, la chanson n’avait pas fait mieux qu’une 30e position. Ce qui en dit long sur le pouvoir que détiennent les superviseurs musicaux dans cette industrie musicale en perpétuelle recherche de nouvelles sources de revenus.

L’autre cas de figure est l’usage de Masters of Puppets lors de l’épique combat final ; autant la chanson de Kate Bush semblait composée pour sa scène, autant celle de Metallica aurait pu être remplacée par un autre canon métal de l’époque, d’Ozzy Osbourne, voire de Slayer, Pantera ou Iron Maiden, suggère-t-on à Nora.

Au contraire, proteste-t-elle : « Franchement, je pense que la chanson de Metallica avait la bonne énergie pour permettre à notre cher Eddie [Munson, personnage joué par Joseph Quinn] d’accomplir son destin. Surtout, sur le plan du texte, Master of Puppets était la chanson parfaite puisqu’il y est question d’affronter ses propres démons », au figuré dans le sens original du texte écrit par James Hetfield, qui parlait de l’emprise que la drogue exerçait sur lui. « Ce texte correspond à ce que vivait Eddie. »

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