Northvolt vient de commencer des travaux sur le site de sa future usine, a appris Le Devoir. L’entreprise n’a pas encore obtenu les autorisations du gouvernement du Québec pour détruire les milieux naturels du site, mais elle assure que les travaux en cours n’affectent pas les milieux humides ou boisés.
Selon les informations obtenues lundi, une excavatrice a été apportée sur le site où Northvolt souhaite construire son usine de composants de batteries. Des véhicules étaient aussi présents sur place lundi.
« Nous conduisons présentement des études géotechniques sur le site, qui consistent à faire de petites excavations d’un mètre de profondeur, afin de valider la composition précise du sol et de déterminer la solidité des infrastructures routières existantes sur le site », a expliqué en fin de journée un porte-parole de l’entreprise, dans une réponse écrite.
« Ces travaux mineurs ne sont pas réalisés dans les zones de milieux humides et les municipalités sont informées de la démarche », a ajouté ce même porte-parole.
Autorisations à venir
Lundi en fin de journée, Northvolt n’avait toujours pas obtenu les autorisations nécessaires pour détruire les milieux humides, les zones boisées et les habitats fauniques qui se trouvent sur le site de l’usine qui sera construite grâce à des fonds publics provenant des gouvernements du Québec et du Canada.
Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) doit accorder à la multinationale une autorisation en ce sens. Le dossier concernant cette « intervention », selon les termes utilisés par le ministère, serait toujours en analyse.
L’entreprise espère toutefois obtenir rapidement le feu vert du gouvernement. Selon des informations obtenues par Le Devoir, les premiers travaux de préparation du site en vue de la construction de l’usine seraient réalisés d’ici la fin de 2023.
Est-ce que Northvolt peut commencer les travaux sur son terrain sans autorisation du ministère si ces travaux ne touchent pas les milieux humides ? « Non », nous répondait le MELCCFP le 3 novembre dernier. Au moment de la publication de ce texte, le ministère n’avait pas répondu à nos questions concernant les travaux d’excavation entamés sur le site.
74 milieux humides
Le site naturel qui sera détruit en bonne partie pour faire place à la giga-usine de Northvolt compte pas moins de 74 milieux humides, révélait Le Devoir la semaine dernière.
Selon ce qui se dégage d’un rapport produit pour l’entreprise par une firme privée, 62 des 74 milieux humides ont une importance « moyenne » ou « élevée » pour la « conservation de la diversité biologique ».
Ce même document fait état d’une capacité de « séquestration du carbone » moyenne ou élevée pour 55 des 74 milieux humides documentés, dont la majorité seront détruits pour la construction de l’usine. Il faut savoir que la séquestration du carbone dans des milieux naturels est considérée comme un outil important de lutte contre la crise climatique.
Comment sera compensée la perte de dizaines de milliers de mètres carrés de milieux humides, puisque le Québec a mis en place une loi imposant « aucune perte nette » de tels milieux naturels ? Northvolt promet de « respecter les règles en vigueur en matière de protection de l’environnement ». Certains milieux humides seront aussi épargnés. Au MELCCFP, on ne précise rien à ce sujet.
Faune
Un autre rapport produit par la firme CIMA+ pour Northvolt indique que 65 espèces d’oiseaux ont été relevées sur le site, dont au moins trois inscrites sur la liste des espèces en péril du gouvernement fédéral. Selon des informations obtenues le mois dernier par Le Devoir auprès du MELCCFP, six espèces « menacées » ont déjà été recensées sur le site, sur les 142 espèces d’oiseaux identifiées.
Comme la législation fédérale interdit la destruction du nid des espèces migratrices, il est essentiel pour Northvolt que les milieux naturels qui peuvent servir d’habitat de nidification, comme des arbres, soient détruits en dehors de cette période.
CIMA+ a en outre documenté la présence d’herpétofaune, qui regroupe les amphibiens et les reptiles. Elle nous apprend notamment que l’inventaire a permis de « confirmer la présence sur le site de plusieurs tortues peintes et tortues serpentines ». Puisque les travaux de préparation du site sont prévus lors de la période d’hibernation de ces tortues, celles-ci devraient être enterrées vivantes.
Les gouvernements Legault et Trudeau n’ont pas exigé d’évaluation environnementale avant la construction de l’usine de Northvolt, comme cela est habituellement prévu pour les grands projets industriels. Selon le ministre responsable du MELCCFP, Benoit Charette, le site de la future usine, qu’il qualifie de « beau projet », est un « site industriel » .
Interpellé par Radio-Canada, jeudi dernier, le ministre Charette s’est par ailleurs porté à la défense de Northvolt. « On va souhaiter la réalisation de ce beau projet le plus rapidement possible. » Il a ajouté que l’entreprise ne bénéficiait d’aucun « passe-droit » qui viendrait accélérer l’autorisation du projet.
L’usine ne se situe « pas sur un terrain de la SEPAQ [Société des établissements de plein air du Québec] », a par ailleurs laissé tomber le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, vendredi dernier à la tribune du Conseil des relations internationales de Montréal. Le lieu envisagé pour son installation « est probablement une place où les poissons ont trois yeux », a-t-il ajouté, suscitant des rires dans l’assistance.