Northvolt prête à raser les milieux naturels du terrain de sa future usine

Northvolt est prête à raser les zones boisées et les milieux humides situés sur le site de sa future usine, a appris Le Devoir. Le plan des travaux de déboisement planifiés pour les prochaines semaines a été élaboré en prenant pour acquis que le mégaprojet financé par Québec et Ottawa échappera à la procédure d’évaluation environnementale prévue pour les projets industriels majeurs.

Le Devoir a obtenu les détails des travaux prévus d’ici la fin de l’année par la multinationale, en vue de préparer le terrain qu’elle vient d’acquérir pour la construction de son usine de composantes de batteries de véhicules située en Montérégie.

Avant même de recevoir les autorisations nécessaires et avant que le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) ait déterminé si le projet devrait être assujetti à une procédure d’évaluation environnementale complète, l’entreprise avait déjà prévu de mener les travaux de « déboisement » de la majorité du terrain d’ici la fin du mois de décembre.

Son plan, daté du 5 octobre, prévoit de faire disparaître l’essentiel des zones boisées. La superficie de milieux naturels en friche et de milieux humides qui seront détruits en vue de la préparation du site avoisine les 40 hectares, soit 400 000 mètres carrés. Il s’agit d’un des derniers milieux du genre dans la région, où l’occupation du territoire a fait disparaître pratiquement tous les milieux naturels au fil des décennies.

Espèces menacées

 

Les milieux qu’on retrouve sur le site de Northvolt servent d’habitat à plusieurs dizaines d’espèces, dont des espèces « menacées » ou « en voie de disparition » et qui sont protégées par la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral.

L’entreprise a d’ailleurs documenté la présence de certaines espèces sur son site, mais elle a refusé de transmettre au Devoir le rapport détaillé qui a été produit et transmis au MELCCFP. Le ministère, qui est responsable de la protection de la faune au Québec, a aussi refusé de nous transmettre le ou les documents.

Northvolt demande toutefois à l’entreprise qui sera chargée de déboiser le site de « déplacer » les animaux « vivants » qui seront « observés dans la zone des travaux ».

Le fait de faire les travaux de coupes d’arbres et d’arbustes à l’automne permet à Northvolt de respecter la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Celle-ci interdit les travaux les travaux durant la période de nidification. L’habitat qui était jusqu’ici utilisé par ces espèces d’oiseaux pourra donc être détruit, puisque la nidification est terminée. Au moins 142 espèces d’oiseaux fréquentent le site, dont des espèces menacées.

Les plans indiquent que la présence de milieux humides est bien documentée sur le site. Un milieu humide classé comme étant d’intérêt par la Communauté métropolitaine de Montréal sera d’ailleurs épargné, ainsi qu’un cours d’eau qui s’écoule vers la rivière Richelieu. Mais plus d’une vingtaine de milieux humides de différentes dimensions se retrouvent dans les zones ciblées par les différentes phases des travaux.

Feu vert imminent ?

 

Le calendrier des travaux permet de constater que l’entreprise a bon espoir de ne pas être soumise à la procédure d’évaluation environnementale normalement prévue pour les projets industriels de grande envergure.

Elle précise d’ailleurs qu’elle « détiendra l’autorisation » requise du MELCCFP en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, et ce, « avant le début des travaux ». Ceux-ci auraient pu être lancés, dans le meilleur des cas, dès lundi le 30 octobre, selon le plan élaboré.

Il faut dire que le gouvernement Legault a modifié en juillet les règles qui obligeraient Northvolt à produire une étude d’impact de son projet, qui traiterait des enjeux environnementaux, mais aussi des enjeux sociaux et économiques de la future usine financée à hauteur de plusieurs milliards de dollars de fonds publics par les gouvernements du Québec et du Canada.

Désormais, les usines de batteries ont une disposition qui leur est propre et qui prévoit que le seuil d’assujettissement est fixé à une capacité annuelle de production de 60 000 tonnes métriques. Norhtvolt prévoit une production de 56 000 tonnes, selon les informations disponibles à l’heure actuelle.

Au moment de publier ce texte, le MELCCFP n’avait pas répondu aux questions du Devoir, qui lui demandait si l’analyse du projet était terminée. Normalement, cette analyse doit permettre de déterminer si le projet sera soumis à une procédure environnementale complète, avec la possibilité d’un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. Une demande d’autorisation d’« intervention » en milieux humides est aussi en cours d’analyse, mais le ministère n’avait pas répondu à notre question à ce sujet.

Northvolt compte actuellement huit lobbyistes inscrits au registre québécois. Leurs mandats ciblent quatre ministères, dont le MELCCFP. Le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette, pourrait recommander de soumettre le projet à une évaluation environnementale. Il ne l’a pas fait jusqu’à présent.

Le gouvernement fédéral n’a pas non plus pris d’engagement en ce sens. Tout indique aussi que le gouvernement Trudeau n’empêchera pas Northvolt de détruire l’habitat d’espèces en péril pour construire sa méga-usine. La raison : il s’agit d’un terrain privé.

Dans le cadre de l’accord mondial sur la protection de la biodiversité signé à Montréal il y a moins d’un an, le gouvernement du Canada a pris l’engagement de freiner le déclin de la biodiversité, dont la disparition des espèces, mais aussi de restaurer des milieux naturels dégradés et de favoriser le rétablissement des espèces menacées. Le premier ministre du Québec, François Legault, avait aussi salué la signature de l’accord.

Northvolt n’avait pas répondu à notre demande de réaction au moment de publier ce texte, mercredi midi. Le Devoir avait sollicité aussi une entrevue.

À voir en vidéo

You May Also Like

More From Author