Une seule portion du mégaprojet industriel Northvolt devrait être soumise à un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), mais uniquement une fois que l’usine sera construite et déjà en activité. L’évaluation environnementale ne tiendra donc pas compte de la destruction des milieux naturels du site, qui abrite une riche biodiversité.
Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) n’a pas encore accordé les autorisations nécessaires à Northvolt pour détruire des milieux humides sur le site où l’usine sera construite, une fois le déboisement complété. Le ministère n’a pas non plus annoncé si son analyse du dossier soumis par la multinationale a été complétée.
Le ministre responsable du MELCCFP, Benoit Charette, a néanmoins annoncé en entrevue à Radio-Canada qu’une seule phase du projet industriel sera soumise à un examen du BAPE, qui doit normalement être précédé de la réalisation d’une étude d’impact du projet réalisée selon des critères déterminés par le ministère.
Selon ce qu’a indiqué Northvolt vendredi au Devoir, il s’agit de la troisième phase du projet, soit celle du « recyclage des batteries », dont la mise en opération est prévue seulement en 2028.
Cela signifie que les deux phases qui précèdent, soit celles impliquant « l’assemblage de cellules » de batteries de voitures et « la fabrication de matière active de cathode » ne seraient pas soumises à un examen du BAPE.
Concrètement, la multinationale pourra donc aller de l’avant avec plusieurs étapes de son projet, incluant la construction de l’usine, sans passer par la procédure d’évaluation environnementale normalement prévue au Québec pour les projets industriels de grande ampleur. Cette évaluation aurait permis d’analyser les impacts environnementaux, sociaux et économiques du projet.
Le cabinet du ministre Charette et le MELCCFP n’avaient pas répondu à nos questions au moment où ces lignes étaient écrites.
Règles modifiées
Dans un communiqué publié vendredi matin vers 8 h 00, Northvolt a dit accueillir « favorablement » la décision du MELCCFP. Celle-ci n’avait toutefois pas encore été annoncée par le ministère vendredi à midi. « Cette décision est le résultat d’une évaluation rigoureuse des procédés manufacturiers et industriels de Northvolt Six par le ministère », selon l’entreprise. Cette analyse n’était pas disponible vendredi midi.
Les premières phases du projet, qui visent l’implantation du projet de Northvolt sur le site et la mise en service de l’usine, ne seront donc pas soumises à une évaluation du BAPE, comme le réclamaient des experts et des groupes environnementaux.
Il faut dire que le gouvernement Legault a modifié les règles qui déterminent si un tel projet est assujetti à la procédure quelques semaines à peine avant l’annonce du projet. Désormais, les usines de batteries sont visées par une disposition qui fixe le seuil d’assujettissement à une capacité annuelle de production de 60 000 tonnes métriques. Northvolt prévoit une production de 56 000 tonnes, selon les informations disponibles.
Milieux naturels
En entrevue à Radio-Canada, le ministre Benoit Charette a par ailleurs dit ne pas vouloir utiliser le pouvoir prévu par la législation et qui lui permettrait de recommander au gouvernement de soumettre le projet à une évaluation environnementale avant d’en autoriser la construction.
Cela signifie qu’aucune étude d’impact du projet ne sera produite par l’entreprise, qui est en attente d’une autorisation du MELCCFP pour détruire des milieux humides présents sur le site. Dans cette phase préparatoire, il est aussi prévu de déboiser l’essentiel du terrain racheté récemment grâce à un prêt d’Investissement Québec.
Selon ce que révélait Le Devoir la semaine dernière, ces travaux, qui détruiront des habitats d’espèces menacées, ont été planifiés avant même que le mégaprojet financé par des fonds publics obtienne les autorisations environnementales nécessaires.
La superficie de milieux naturels en friche et de milieux humides qui sera détruite avoisine les 40 hectares, soit les 400 000 mètres carrés. Il s’agit d’un des derniers milieux naturels du genre dans la région, où l’occupation du territoire a déjà fait disparaître pratiquement tous les milieux naturels.
Les milieux qu’on trouve sur le site de Northvolt servent d’habitat à plusieurs dizaines d’espèces, dont certaines « menacées » ou « en voie de disparition » qui sont protégées par la Loi sur les espèces en péril du gouvernement fédéral. Au moins 142 espèces d’oiseaux fréquentent le site, dont certaines sont menacées.
Tout indique pourtant que le gouvernement Trudeau n’empêchera pas Northvolt de détruire l’habitat d’espèces en péril pour construire sa méga-usine, et ce, même si ces espèces sont protégées par une loi fédérale. La raison : il s’agit d’un terrain privé.