Nouvelle-Zélande : Quel discours de motivation pour les Bleus à la place de la lettre de Guy Môquet ?

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Il n’avait pas le prestige de ce France-Nouvelle-Zélande et tout le monde prend bien soin, depuis, à faire comme s’il n’avait jamais existé, mais le XV de France a déjà disputé un match d’ouverture de Coupe du monde au Stade de France. C’était en 2007, lors de l’édition co-organisée avec l’Ecosse et le pays de Galles, et les Bleus étaient totalement passés au travers. Livides, patauds, sans énergie, ils s’étaient inclinés face à une équipe d’Argentine pas bien folichonne mais qui savaient parfaitement jouer avec les éléments. « Ça nous a pris à la gorge, aux tripes, et au fur et à mesure que le match avançait, la pression nous a écrasés », rembobine Imanol Harinordoquy, qui était aux premières loges du fiasco.

« On n’a pas compris ce que ça venait faire là »

De toute évidence, le staff s’était trompé dans son approche. Une faillite symbolisée par la lecture au groupe, quelques heures avant le match, de la célèbre lettre envoyée par le jeune résistant Guy Môquet à ses parents avant son exécution par les nazis, en 1941. Censé galvaniser les joueurs, ce texte certes empli de bravoure mais qui commence par « je vais mourir » a, bizarrement, eu l’effet inverse.

Futur secrétaire d’Etat aux Sports, le sélectionneur Bernard Laporte pensait que ce serait une bonne idée de rebondir sur l’inspiration du président Sarkozy, qui avait demandé aux instituteurs et professeurs de la lire à leurs élèves à la rentrée. « On n’était au courant de rien, on ne savait pas d’où ça sortait et, surtout, on n’a pas compris ce que ça venait faire là, dit Harinordoquy, encore circonspect 16 ans après. Le contexte sportif était déjà lourd, on n’en avait clairement pas besoin. » 

Les choses ont bien changé, depuis, au sein du XV de France. Absente jusqu’au mandat de Jacques Brunel (2017-2019), la dimension mentale a trouvé sa place dans le quotidien des Bleus avec Fabien Galthié. Un pôle spécifique a même été mis en place au sein de ce que le sélectionneur appelle « la cellule perf ». Pour ce match d’ouverture, tout a été réfléchi, des nombreux moments de vie partagés avec le public pendant la préparation à la répétition lors du dernier match face à l’Australie de l’échauffement raccourci par le protocole à 22 minutes très précisément.

Si le aura droit à son discours de motivation avant d’entrer sur le terrain, ce vendredi soir, Il ne faudra pas se tromper de tonalité pour avoir l’effet escompté. On a donc demandé au psychologue du sport Anthony Mette, qui conseille notamment quelques joueurs actuels du XV de France, de nous donner les clés d’une prise de parole réussie. Réponse du spécialiste :

C’est tout un art, car il faut connaître parfaitement ses joueurs et la manière dont ils fonctionnent en équipe pour juger le degré d’émotions jusqu’auquel on peut aller. C’est un travail de précision, quasiment chirurgical, dans lequel il faut prendre en compte le contexte. Là c’est l’équipe de France, la Coupe du monde, en France, contre la Nouvelle-Zélande. Il y a déjà en soi un vivier émotionnel très intense, donc le job c’est plutôt de faire l’inverse, les calmer, faire en sorte qu’ils soient le plus zen possible. Pas besoin de surjouer. »

Pour rendre les choses plus concrètes, on a soumis à notre psychologue trois discours mythiques, venus du sport, de la politique et du cinéma. Avec une question simple : bonne ou mauvaise idée, si on est Fabien Galthié ?

  • Pascal Dupraz avant le match du maintien de Toulouse en Ligue 1 en 2016 : « C’est maintenant qu’il faut le faire, pas demain, ni hier. C’est maintenant. Il n’y a plus qu’à manger : le couvert est dressé. [Il y a] des gens qui vous aiment, des gens qui vous attendent. Certains sont trop jeunes et seront au lit quand vous rentrerez. Ils attendent de vous serrer dans leurs bras ! (…) Ouvrez les yeux, ouvrez les oreilles ! C’est juste beau, c’est juste votre vie… (…) À l’issue de la rencontre, vous serez des héros. »

> L’avis du spécialiste : « Très mauvaise idée. C’est un discours génial, mais sur un dernier match, un truc vraiment transcendant. Sur un premier match, c’est too much. Si tu commences comme ça, la compétition après sera très longue et fatigante, et les mecs seront rincés psychologiquement. »

  • Dwight D. Eisenhower à ses soldats à la veille du débarquement en Normandie le 6 juin 1944 : « Vous êtes sur le point de vous embarquer pour la grande croisade vers laquelle ont tendu tous nos efforts pendant de longs mois. Les yeux du monde sont fixés sur vous. (…) Votre tâche ne sera pas facile. Votre ennemi est bien entraîné, bien équipé et dur au combat. Il luttera sauvagement. (…) J’ai totalement confiance en votre courage, votre dévouement et votre compétence dans la bataille. »

> L’avis du spécialiste : « Ça, c’est quasiment ce qui va être dit, je pense. Pas mot pour mot bien sûr, mais ça va ressembler à ça. Parce que ça marche toujours. Le rugby est un sport collectif un peu guerrier, les phrases de ce genre sont souvent imprimées et collées aux murs des vestiaires. C’est un modèle du genre, et on sera sûrement sur ce registre. »

  • Aragorn à ses hommes avant une bataille perdue d’avance aux portes du Mordor, dans Le Seigneur des Anneaux : « Tenez vos positions ! Mes frères, je lis dans vos yeux la même peur qui pourrait saisir mon cœur. Un jour peut venir où le courage des hommes faillira, où nous abandonnerons nos amis et briserons tout lien. Mais ce jour n’est pas arrivé ! Aujourd’hui, nous combattrons ! »

> L’avis du spécialiste : « Ça, je signe [sourire]. Un beau discours de galvanisation, très affectif, très émotionnel. Il y a la dimension historique, la guerre, le combat, on devine aussi la présence des familles. Mais pour moi c’est mieux sur une finale, parce qu’il y a la notion d’après. Ça prépare presque au retour à la maison. »

Un peu tôt pour ça, on est d’accord. Pour avoir le fin mot de l’histoire, on demandera aux joueurs quand ils passeront en zone mixte après le match. En espérant que Fabien Galthié ait trouvé le ton juste, lui qui déjà ne cache pas ses émotions face aux médias, comme lorsqu’il a versé une larme après le succès historique à Twickenham en mars dernier. « C’est un staff qui joue beaucoup l’aspect émotionnel. Tout est très ritualisé, la remise de maillots, l’intégration des joueurs… . Je m’attends à ce que Fabien Galthié soit lui-même très ému, projette Anthony Mette. La clé sera de rester calme. Pas neutre, parce qu’il faut prendre l’enjeu pour ce qu’il est véritablement, mais le faire le plus calmement possible. »

Jeudi, pour sa dernière prise de parole publique avant de plonger dans l’événement, le sélectionneur s’est laissé aller à une petite envolée qui, on serait prêt à le parier, est un bon aperçu de ce que contiendra sa causerie. « Ce match sera aussi un challenge sur une donnée qu’on perçoit parfois moins, qui est la relation entre les joueurs, l’affect, l’amour qu’ils ont les uns pour les autres, l’envie de ne pas se lâcher, d’être le premier soutien de son partenaire, a-t-il professé. Il y a une force invisible qui naît dans ces moments-là et qui s’affirme. On va passer au révélateur, savoir si on est une équipe qui s’aime fort, engagée dans même direction. » L’inverse serait quand même un comble après quatre ans à parler de flèche du temps

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