Où en sommes-nous avec les hausses de salaire « inflationnistes » ?

Mercer Canada souligne que, pour que l’inflation atteigne 2 %, la progression des salaires doit être proche de 3 à 4 %, la différence devant venir de gains de productivité. Où en sommes-nous côté salaires ? Petit tour d’horizon…

Selon les données d’Emploi et Développement social Canada, les principaux règlements salariaux couvrant le renouvellement des conventions collectives des entreprises de 500 employés et plus indiquent que les travailleurs syndiqués ont obtenu les hausses salariales les plus fortes depuis plus d’une décennie, ce qui n’est pas étonnant compte tenu de l’accélération de l’inflation. Mais une hausse annuelle moyenne de 2,9 % à ce jour sur un contrat de travail moyen de 39 mois n’est surtout pas un facteur devant sérieusement alimenter une spirale salaire-prix, souligne d’entrée de jeu Taylor Schleich, stratège à la Banque Nationale.

De plus, le pouvoir d’achat de ces travailleurs s’est érodé sous l’ampleur de la hausse du coût de la vie. La croissance réelle des salaires (déduction faite de l’inflation) pour une convention collective représentative ratifiée entre 2019 et 2021 a été de -2 à -3 % en moyenne par année sur le terme du contrat, estime l’analyste. « On peut s’attendre à ce que les contrats signés en 2023 permettent aux travailleurs d’obtenir une croissance salariale réelle positive au cours des prochaines années, mais ce ne sera pas suffisant pour compenser les récentes pertes réelles. »

Un autre indicateur — le PIB réel par habitant — vient également témoigner de la baisse de pouvoir d’achat des ménages canadiens. On peut ici rappeler que le Canada est à la traîne des économies développées au chapitre du niveau de vie de sa population, qui, par surcroît, ne cesse de se dégrader depuis 2014. Le Mouvement Desjardins est revenu récemment à cette progression du PIB réel par habitant inférieure à la moyenne des économies avancées pour ajouter que l’écart s’est creusé graduellement, mais de façon constante, depuis près d’une décennie.

Cela dit, en revenant aux données d’Emploi et Développement social Canada, on peut voir que la hausse salariale annuelle moyenne pour l’ensemble des conventions collectives renouvelées a oscillé entre 1,2 % et 1,9 % de 2014 à 2021, pour atteindre un rythme plus accéléré de 2,5 % l’an dernier et de 2,9 % à ce jour cette année, ce qui reflète à la fois la pénurie de main-d’oeuvre et la montée en puissance de l’inflation. La hausse varie entre 1,5 % et 2,2 % dans le secteur privé, et entre 1 % et 1,9 % dans le secteur public. Il y a eu accélération depuis, de 2,8 % en 2022 et à 3,9 % à ce jour en 2023 dans le privé, et à 2,4 % et 2,7 % respectivement dans le public. Autre observation d’intérêt, la durée moyenne des conventions collectives a été ramenée à 39,1 mois à ce jour en 2023, contre 45,8 mois en 2014.

Au Québec, la hausse salariale annuelle moyenne dans les conventions signées tournait également autour des 2 % de 2014 à 2023. Elle se chiffre à 2,4 % dans le secteur privé et à 1,8 % dans le public, quoiqu’il y ait eu accélération dans ce dernier, l’augmentation annuelle moyenne passant au rythme de 2,4 % sur la période 2022-2023. Certes, cela vaut pour les renouvellements de contrat de travail. Or, pour l’ensemble des travailleurs, la rémunération horaire a augmenté de 5,8 % en moyenne entre 2021 et 2022, selon l’Institut de la statistique du Québec, en deçà toutefois de la poussée de 6,7 % de l’Indice des prix à la consommation.

Des projections sous les 4 %

Quant aux projections, les résultats préliminaires de juillet 2023 de la firme-conseil en rémunération globale Normandin Beaudry recueillis auprès de plus de 325 organisations indiquent que les budgets moyens d’augmentations salariales accordés en 2023 au Canada oscillent autour de 4 % sans les gels salariaux, et les projections pour 2024 parlent de 3,5 %. « Cette projection peut sembler modeste. Cependant, il est à noter que plus d’une organisation sur 10 prévoit un budget moyen d’augmentations salariales supérieur à 5 %, qui peut atteindre jusqu’à 20 % dans certains cas », est-il précisé.

Les PME sont plus réactives, ajoute Normandin Beaudry. Au Canada, elles prévoient un budget moyen variant entre 4 et 4,5 %. « Ce sont également ces organisations qui ont accordé les augmentations salariales les plus généreuses en 2022 » avec des augmentations variant entre 3,9 % et 4,7 % selon la taille des effectifs et toujours en excluant les gels. Mais c’était en juillet.

Or, la dernière lecture du Baromètre des Affaires de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) témoigne d’un refroidissement chez les PME, lié à une décélération de la croissance économique.

Les plans moyens de hausse des prix et des salaires pour les 12 prochains mois ont diminué en août pour s’établir respectivement à 3 % et à 2,5 %. « Ces résultats représentent une baisse importante par rapport aux sommets de 4,9 % et de 3,6 % atteints à la mi-2022 et se rapprochent davantage des moyennes historiques de ces indicateurs (2,1 % et 1,8 %). »

La FCEI ajoute que la répartition des plans globaux de hausse des prix et des salaires progresse lentement vers les niveaux prépandémiques. « Si cette tendance se poursuit, ces plans devraient bientôt atteindre les niveaux enregistrés avant la montée en flèche de l’inflation l’an dernier. »

Et ces prévisions tiennent compte de l’effet sur la structure salariale des organisations de la hausse de 7 % du salaire minimum au Québec, entrée en vigueur le 1er mai.

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