Malgré les appels des conservateurs, le premier ministre Justin Trudeau ferme la porte à toute autre exemption à la « taxe sur le carbone » après celle sur l’achat de mazout annoncée la semaine dernière.
« Il n’y aura absolument aucune autre dérogation ou suspension du prix de la pollution », a-t-il déclaré sur le pas de la porte de la Chambre des communes mardi après-midi.
Le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, y voit une « punition » infligée aux propriétaires d’autres systèmes de chauffage à combustion — au gaz naturel ou au propane par exemple — qui habitent dans des circonscriptions qui n’« ont pas voté libéral » contrairement à bon nombre de propriétaires de fournaises au mazout.
M. Poilievre a appelé le chef du gouvernement à mettre au rebut toutes ses taxes sur le carbone, à défaut de quoi l’« unité nationale » se fissurera. « La volte-face du premier ministre par rapport à sa taxe carbone fait deux classes de Canadiens : certains qui sont temporairement exemptés des taxes sur leur chauffage et d’autres qui vont devoir continuer de payer par exemple la deuxième taxe carbone — qui s’applique au Québec — qui va continuer d’augmenter le coût de l’essence et du diesel et de la nourriture », a-t-il ajouté, à l’attention des électeurs du Québec, qui ne sentent pas interpellés par le débat sur la « taxe sur le carbone » .
Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a accusé les conservateurs, qui sont, selon lui, dirigés par un « chef qui est idéologiquement opposé à la lutte aux changements climatiques » de chercher ni plus ni moins à « rendre la pollution gratuite ».
Pas « idéale », mais « raisonnable »
Même si elle n’était pas « idéale », les ministres libéraux font bloc, pour l’instant, derrière la décision de leur chef d’accorder une exemption à la « taxe sur le carbone » de trois ans sur l’achat de mazout servant au chauffage résidentiel.
Il s’agit d’une « solution pour réduire les coûts de mazout pour les gens qui vivent principalement dans les régions rurales » sans renoncer à « combattre les changements climatiques », a fait valoir le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, tout en fermant la porte à d’autres exemptions.
« Je ne dis pas que la prise de décision a été idéale », a convenu pour sa part le ministre Marc Miller avant de participer à une rencontre du cabinet. « Mais, c’était la chose raisonnable à faire », a-t-il ajouté.
M. Miller a mentionné « le devoir » du gouvernement fédéral de réviser la portée d’une politique gouvernementale à des « dynamiques » régionales, comme celle qui prévaut dans les provinces de l’est où « une bonne proportion des gens dépendent de l’huile pour chauffer leur maison et [ont] de la difficulté à s’adapter » en raison de la hausse du coût de la vie.
« Tout le monde veut combattre les changements climatiques, mais nous sommes confrontés à une crise de l’abordabilité. Nous devons être en mesure de nous adapter », a-t-il souligné dans une mêlée de presse.
L’élu s’attend à devoir répondre à des questions du type « Est-ce qu’on devrait couper dans la taxe sur l’essence ? Est-ce qu’on devrait couper dans [la taxe perçue à] ceux qui chauffent au gaz naturel ? »
Justin Trudeau s’est justifié de nouveau mardi, en disant que la taxe carbone sur le mazout « affectait de manière disproportionnée des [personnes] à revenu modeste ».
De son côté, le ministre Randy Boissonnault a cassé du sucre sur le dos du premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, qui réclame, comme d’autres premiers ministres provinciaux, une exemption de la « taxe sur le carbone » sur tous les frais de chauffage, y compris au gaz naturel, à défaut de quoi il sommera la société d’État SaskEnergy de cesser de percevoir la taxe fédérale. « Ce n’est pas légal », a-t-il martelé.
Le gouvernement canadien a été « responsable » et « flexible » en accordant une pause de « taxe sur le carbone » aux propriétaires de fournaises à l’huile, notamment « une région du pays qui n’a tout simplement pas d’alternatives » pour chauffer son domicile sans polluer… Et sans s’appauvrir, a poursuivi M. Boissonnault.
Les membres du gouvernement Trudeau mèneront néanmoins de « bonnes discussions » sur la taxe carbone, a lancé quant à lui le ministre Dan Vandal, tout en filant vers une salle de réunion de l’édifice de l’Ouest.
Le député de Saint-Boniface — Saint-Vital s’était fait demander si les Manitobains pourraient bénéficier d’une exemption à la « taxe sur le carbone » semblable à celle de trois ans sur l’achat de mazout servant au chauffage résidentiel annoncée par le premier ministre Justin Trudeau et les élus libéraux de l’Atlantique jeudi dernier.