Emmanuel Macron a inauguré la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts rénové pour l’occasion ce lundi 30 octobre. Le projet initié par le chef de l’Etat en 2017 rencontre toutefois des critiques, notamment politiques.
L’événement retient toute l’attention de l’Elysée : la Cité internationale de la langue française a été inaugurée ce lundi 30 octobre au château de Villers-Cotterêts. Et bien sûr Emmanuel Macron, qui a lui-même initié le projet en 2017, était présent et a le premier foulé le sol du château de l’Aisne entièrement rénové pour l’occasion. Le chef de l’Etat qui a assisté à la finalisation de son projet a souligné que “jamais un lieu n’avait été consacré à l’histoire de notre langue” avant la création de cette Cité lors de son discours devant les 500 invités de l’événement.
Remplie de bonne intentions, à commencer par sauver de la ruine le château de Villers-Cotterêts dans lequel François 1er avait signé, en 1539, l’ordonnance imposant l’usage du français dans la rédaction des textes juridiques et administratif à la place du latin, la création du la Cité internationale de la langue française – destinée à être le “cœur battant de la francophonie” selon la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak – ne fait pas l’unanimité.
Un investissement de 210 millions d’euros qui fait tiquer
Des critiques s’élèvent contre le nouveau temple du français parmi les membres de l’Académie française, défenseurs de la langue de Molière. L’essayiste, romancier et académicien Jean-Marie Rouart n’a pas manqué de critiquer une forme d’hypocrisie selon lui. Première attaque de l’académicien : le coût du projet estimé à 210 millions d’euros. “C’est 210 millions d’euros qui seront prélevés sur quoi ? Sur l’aide qu’on pourrait apporter aux instituts français qui sont en perdition. L’Académie française, à quoi sert-elle, sinon à ça. Elle sert à la défense et à l’illustration de la langue française” a-t-il lancé sur Europe 1 dénonçant un investissement inutile. Une position qu’il a réaffirmé au micro de Franceinfo : “On est en train de dépenser un pognon de dingue dans ce château qui ne servira à rien. La langue française s’exprime par la littérature, ce n’est pas un objet de musée”.
Une critique également formulé par certains habitants de Villers-Cotterêts, une ville qui mériterait selon eux d’être redynamisée. “Une grande majorité des gens de Villers-Cotterêts ne sont pas d’accord avec tout ce qui se passe. On arrive à 210 millions d’euros, c’est ça qui ne passe pas. On aurait pu mettre cet argent ailleurs”, a regretté un habitant de la ville au micro de Franceinfo.
L’avis de Jean-Marie Rouart n’est toutefois pas partagé par ses confrères académiciens. Erik Orsenna a notamment jugé l’essayiste sévère et considère que la Cité internationale comme “une gratitude à notre langue”. Quant à la critique sur un musée inutile il rétorque : “Ce n’est pas un musée qui a été construit, c’est une cité, une ville, dans laquelle on verra toutes les possibilités de la langue”. De l’avis du directeur de la Cité, Paul Rondin, le château “n’est pas ici pour conserver la langue française, mais pour la faire vivre, révéler sa diversité extraordinaire”.
Un projet également politique pour Emmanuel Macron
L’investissement opéré par Emmanuel Macron en 2017, à l’époque où il était encore candidat à l’élection présidentielle, revêt indéniablement un aspect politique. Le château de Villers-Cotterêts se trouvant dans une ville de 10 000 habitants acquise au Rassemblement national avec le maire Franck Briffaut à la tête de l’Hôtel de Ville depuis 2014. La création de la Cité internationale sur ces terres serait donc un moyen pour Emmanuel Macron de se faire valoir auprès de l’électorat de l’extrême droite.
Les membres de l’extrême droite n’ont pas tous accueilli avec joie le projet. Le député Jocelyn Dessigny qui dénonce auprès de Franceinfo une forme de “mépris” à l’adresse des Caudrésiens qui ont été, selon lui, “pris pour des imbéciles, des illettrés, comme on a pu le lire dans les différents journaux.” Mais le maire Franck Briffaut assure de son côté que la Ville s’est “mise en quatre pour accompagner ce projet de toutes les manières qu’il nous a été possible de le faire”, “contrairement à ce à quoi [le chef de l’Etat, ndlr] s’attendait”.
L’opposition entre le camp présidentiel et le Rassemblement national se retrouve dans le discours de l’Elysée qui assure à l’heure de l’inauguration que “ce projet est un antidote au sentiment d’abandon. C’est même une façon de tracer des perspectives d’avenir, de montrer que le redressement d’un territoire ne passe pas par le repli sur soi, mais par l’ouverture vers les autres à travers des valeurs d’universalisme et de progressisme”. Toutefois, Jocelyn Dessigny estime que le chef de l’Etat n’a pas réussi à s’attirer l’électorat de Villers-Cotterêts : “Les effets escomptés ne sont pas à la hauteur de ses ambitions puisqu’aujourd’hui, plus on avance dans ce projet, et plus les électeurs de Villers-Cotterêts votent pour le Rassemblement National.”