C’est la première fois en six ans que Jay Du Temple n’est pas de la rentrée télé. Finis les « rapprochements », la « bisbille » et les « twists », l’ancien animateur d’Occupation double (OD) passera l’automne à parcourir le Québec avec le deuxième spectacle solo de sa carrière, Fin. On lui déroulait pourtant le tapis rouge pour la 17e saison de la téléréalité, sous le soleil torride de l’Espagne, mais, à 31 ans, l’humoriste ressentait comme un besoin viscéral de renouer à temps plein avec son premier amour : la scène.
Jay Du Temple est bien conscient qu’il a pris un risque l’an dernier en quittant une émission aussi populaire qu’OD pour se concentrer uniquement sur son nouveau spectacle. Il aurait pu décider de cumuler les deux, comme il l’a fait durant sa première tournée, avant la pandémie. Mais il y a de ces moments dans la vie où il vaut mieux ne pas emprunter le chemin le plus facile.
Je me suis lancé le défi de ne pas faire de télé pendant un an. Entre février et juillet 2022, j’ai écrit mon deuxième spectacle, et c’est là que c’est devenu clair dans ma tête que je ne reviendrais pas à Occupation double. J’étais hyperstimulé par tout le processus créatif et j’ai décidé que la prochaine année serait réservée à la scène.
« Je me suis lancé le défi de ne pas faire de télé pendant un an. Entre février et juillet 2022, j’ai écrit mon deuxième spectacle, et c’est là que c’est devenu clair dans ma tête que je ne reviendrais pas à Occupation double. J’étais hyperstimulé par tout le processus créatif et j’ai décidé que la prochaine année serait réservée à la scène. C’est la première fois que je m’implique autant dans la conception d’un spectacle. Le premier one-man-show, c’est toujours plus un ramassis de stand-up que tu as faits ici et là et qui ont plus ou moins de liens entre eux. Là , il y a vraiment une direction artistique », a expliqué Jay Du Temple en entrevue au
L’humoriste s’est présenté à notre rendez-vous vêtu assez sobrement par rapport à ce à quoi il nous avait habitués dans les dernières années. Ses ongles n’étaient pas recouverts de vernis. Ses cheveux étaient frais coupés et naturels. Les teintures extravagantes et le fameux « man bun » si caractéristique de ses débuts appartiennent maintenant au passé. Il arbore maintenant un style assez quelconque, mis à part ses boucles d’oreilles et son piercing au nez.
Jay Du Temple s’assume. Il est bien dans sa peau, comme le veut la formule consacrée et sans doute un peu galvaudée. Mais en ce matin pluvieux de fin août, on décèle tout de même chez lui une certaine nervosité à quelques jours du coup d’envoi de la tournée. « Quand tu es à la télé six jours sur sept, c’est facile, de vendre des billets. Occupation double me simplifiait la vie pour la promo. Je vais voir cet automne si ça se passe aussi bien. »
Peur de déplaire
Sans doute qu’il n’a pas trop à craindre. La période de rodage qui s’est achevée en juin s’est déroulée pour le mieux. Pas de quoi, en tout cas, regretter jusqu’ici son choix de quitter la barre de la téléréalité. « Ma mère m’a dit l’autre jour qu’elle me trouvait plus calme que les autres années. Et c’est vrai que je suis plus calme. Je veux être clair : j’ai adoré animer OD, même quand ça a brassé l’an dernier. Je n’ai jamais regretté d’être là en six saisons. Mais en même temps, c’est vrai que c’est une émission qui polarise beaucoup. Il y a des gens qui adorent ça et d’autres qui détestent. Et ça, c’était une source de stress pour moi », confie-t-il.
De son propre aveu, Jay Du Temple a constamment peur de déplaire. Un vrai problème pour une personnalité publique de sa notoriété, qui forcément compte son lot de détracteurs. « J’essaie de m’en défaire », dit celui qui consulte une psychologue et qui en parle volontiers.
Contrairement à beaucoup d’autres humoristes, il ne cherche pas la polémique. Parfois, elle vient malencontreusement à lui, comme l’an dernier, lorsque trois candidats ont été expulsés d’OD après avoir été accusés d’intimidation. Ou quand il fut accusé de s’approprier des codes de la culture LGBTQ+ en posant en une du Elle Québec avec du vernis à ongles.
Les mauvaises langues se sont souvent acharnées au cours des dernières années sur Jay Du Temple, sans doute injustement, car l’homme n’a aucune malice. Jay Du Temple est un vrai gentil. Ce n’est pas pour rien que son nouveau spectacle s’intitule Fin. Ceux qui s’attendent à un spectacle caustique seront déçus. L’humoriste a l’intime conviction que l’on peut être drôle sans blesser les autres.
Dans ce second spectacle solo, il préfère rire de ses peines d’amour, de ses remises en question, du passage à la trentaine… Le titre fait aussi référence à la fin de la vingtaine, cette grande période de turbulences qui fut marquée par une grande quête identitaire.
« Au début de la vingtaine, tu t’assumes de manière presque maladroite. Tu es convaincu de te connaître, tu es très catégorique. Et puis, à la fin de la vingtaine, tu te rends compte que tu n’es plus vraiment cette personne que tu pensais être. Tes goûts changent. Je suis attiré par d’autres choses. Il y a des affaires que j’aimais que je n’aime plus. C’est la première fois de ma vie que je prends conscience que je vieillis, que je laisse des trucs derrière moi en disant que ça ne m’intéresse plus », raconte celui dont le nom est Jérémy Du Temple-Quirion sur son baptistaire.
La fin du début
Qu’il en a fait, du chemin, ce fils de bonne famille, élevé dans un vignoble de Saint-Jacques-le-Mineur, depuis son entrée à l’École nationale de l’humour à 19 ans. Sa cohorte aura engendré plusieurs gros noms de l’industrie, comme Katherine Levac, Mehdi Bousaidan ou encore Sam Breton. À côté d’eux, Jay Du Temple ne faisait pas le poids. La tournée des finissants, en 2013, fut pour le moins humiliante, alors qu’il était dans l’ombre de ses prodigieux camarades de classe.
Les professeurs de l’École nationale donnent d’ailleurs aujourd’hui Jay Du Temple en exemple pour montrer que même les élèves qui ne se démarquent pas peuvent avoir une carrière prolifique par la suite. « C’était très difficile comme période. Mais tant mieux, parce que ça m’a endurci. Ça a brisé mon ego. Ça a fait en sorte que je me suis dit que je devais travailler dix fois plus fort. Je n’avais pas le choix », conclut-il dix ans plus tard.
Ses efforts ont fini par porter leurs fruits. En janvier 2020, il a clôturé sa première tournée, Bien faire, au Centre Bell. Un véritable exploit à son âge. Que peut-il bien rester à accomplir à cet ambitieux avoué ? Jouer au cinéma, peut-être. « S’il y a quelqu’un qui est prêt à m’accompagner dans ce processus-là , c’est sûr que c’est quelque chose qui peut m’intéresser », glisse-t-il, sourire en coin.