Le concert de clôture de la 21e édition du Festival de musique émergente (FME) mettait en vedette la chanson rock déglinguée et acidulée de Hippie Hourrah, Lumière et Philippe Brach, mais en vérité, les soirées ne se terminent jamais tout à fait à Rouyn-Noranda. Suivirent VioleTT Pi et les Saints Martyrs, et même un ajout de dernière minute, le quatuor house belge Tukan, placé à minuit dans la 7e Rue, simplement parce qu’il faisait si beau dimanche soir que la fête devait se poursuivre à cette édition qualifiée par l’organisation d’un « retour à la normale ». Bilan de fin de FME.
Retour à la normale ? Presque : le FME fut béni par une météo tout sauf normale à ce temps de l’année à Rouyn-Noranda, où les festivaliers vont d’ordinaire à la rencontre de l’automne avant que celui-ci ne s’installe plus au sud. Béni, oui : il a plu des cordes pendant seulement cinq minutes, juste à la fin du concert que donnait Vanille samedi dernier, en début d’après-midi. « Les gens ont continué à danser sous la pluie ! » nous confiait-elle hier pendant cette soirée de clôture à la Guinguette chez Edmund, au bord du lac, où elle jouait la DJ.
Marie-Luce Doré, nouvelle directrice générale du FME, affirme que son organisation a atteint l’objectif qu’elle s’était fixé : revenir à l’essence du festival. « Ce ne fut pas une édition anniversaire, pas une édition COVID, mais une édition normale », avec le retour du site extérieur dans la 7e Rue et la réouverture de la salle de l’Agora des arts, avenue Murdoch. « Cette édition était à l’image du FME que j’ai connu, à titre de festivalière, puis de bénévole », résume la directrice générale originaire de La Sarre, arrivée en poste en juin dernier.
Concerts courus
Originaire de Rouyn-Noranda, l’auteur-compositeur-interprète Philippe B revenait à la maison, samedi dernier, présenter les chansons de son dernier album, Nouvelle administration, paru en mai dernier, son premier en six ans. L’Agora des arts affichait complet pour l’entendre, en formule trio (Marie Claudel aux guitares, Ariane Bisson McLernon aux claviers) survoler son répertoire — sans interpréter une de nos préférées (La grande nuit vidéo). Nous n’en sommes même pas déçus, ce qui dit tout de la profondeur du répertoire du musicien, encore l’un des plus fins ciseleurs de chansons au Québec.
En revanche, il en a offert une exprès aux Rouynorandiens, tirée de son dernier album : « Last call au Cabaret d’la dernière chance / Une minute de silence / Pour toutes les créatures de la nuit… » (Last call). Exquise performance, rehaussée par les commentaires de Philippe B, qui prend le temps d’expliquer le contexte de la création de ses chansons, et par extension de lever le voile sur sa démarche, le tout agrémenté d’humour complice.
Plusieurs autres concerts ont affiché complet (Karkwa, Elisapie, VioleTT Pi), mais l’organisation ne s’attend pas à pouvoir clamer des records d’achalandage. L’affiche, souligne Marie-Luce Doré, rappelait aussi la mission de l’événement : « Beaucoup d’émergences, de découvertes, de révélations musicales, avec bien sûr des noms qui attirent les gens, des chouchous du festival » tels que FouKi, Elisapie encore, Les Louanges, pour ne nommer qu’eux.
Le bon, les brutes
Le Français Flavien Berger aura aussi fait belle impression au public québécois — il a offert des concerts à Montréal et Québec avant de terminer son périple en Abitibi, en première partie d’Elisapie. Il occupait seul la scène, entouré de ses claviers, séquenceurs et de sa « sirène dub », un simple oscillateur logé dans une petite boîte à pitons qui font des pouets se mariant bien avec les musiques house, doucement techno, sur lesquelles le musicien pose ses chansons. Paru en mars dernier, son dernier album Dans cent ans rapproche justement Berger d’une chanson plus classique, mais son flair pour les productions électroniques finement calibrées le place dans une catégorie à part. Son humour absurde et son air pince-sans-rire ont fait mouche auprès du public du FME.
Le programme rock français (mais chanté en anglais…) du samedi au Cabaret de la dernière chance ne passera cependant pas à l’histoire. Si les grooves psychédéliques de l’auteur-compositeur-interprète Emmanuel Alias invitaient au hochement de la tête, son attitude sur scène avait les airs de clichés de rock star surannée. Le quatuor post-punk expérimental The Psychotic Monks devait être le clou de cette soirée, tournant dans la foulée de son troisième album Pink Colour Surgery, paru l’hiver dernier. Un album robuste qui fut mal traduit sur scène, alors qu’on cherchait une chanson quelque part sous ces décharges rythmiques et guitaristiques un peu trop simples.
Bref, il y en avait pour tous les goûts dans cette édition réussie malgré un contexte budgétaire délicat, en raison notamment de la fin des aides gouvernementales liées à la crise sanitaire. Ainsi, la situation a forcé l’organisation du FME à garder un lien de commandite avec la Fonderie Horne, confirme Marie-Luce Doré. Rappelons que, l’année dernière, un collectif d’artistes publiait une lettre ouverte intitulée Pour la fin du financement de la culture par la Fonderie Horne, provoquant au sein du conseil d’administration du festival une réflexion sur son financement, réflexion qui se poursuit toujours. L’un des signataires de la lettre, le groupe Vulgaires Machins, a cette année refusé l’invitation du FME.