C’est un peu la quadrature du cercle. Le fabricant lavallois d’une solution de recharge intelligente pour véhicules électriques RVE reçoit 7 millions de dollars de la part d’Investissement Québec, Fondaction et Exportation et développement Canada (EDC), pour l’aider à « effacer » durant les heures de pointe jusqu’à 4000 mégawatts de consommation électrique.
Une puissance de 4000 mégawatts, c’est près de trois fois la puissance de pointe de l’ensemble du complexe hydroélectrique de la Romaine, dont la dernière centrale a récemment été inaugurée par le premier ministre François Legault. La principale particularité de la technologie de RVE est qu’elle devrait par ailleurs faciliter l’installation de bornes de recharge dans des immeubles multilogements, où il est présentement difficile de faire le lien entre une case de stationnement et le logement ou la copropriété de son utilisateur attitré.
Dans sa Stratégie sur la recharge de véhicules électriques mise à jour au début septembre, Québec calculait que 40 % des véhicules légers électriques qui prendront la route au Québec ces prochaines années appartiendraient à des gens vivant dans un logement ou une copropriété. Les aider à se brancher à la maison est un outil crucial pour s’assurer que les cibles d’électrification et de décarbonation du transport sont atteintes.
Cela va un peu plus loin, étant donné que RVE pourra, grâce à ce nouveau financement, exporter plus facilement sa technologie dans des États américains où la demande pour des véhicules électriques est forte, comme New York et la Californie. RVE — qui compte présentement 2000 de ses quelque 3000 systèmes installés aux États-Unis — espère que la moitié de son chiffre d’affaires proviendra des États-Unis d’ici trois ans.
C’est un exemple de développement positif pour le Québec qu’entraîne le virage électrique mondial du transport, estime le ministre délégué à l’Économie, Christopher Skeete. Les cibles d’approvisionnement régional contenues dans le nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) vont créer une relocalisation en Amérique du Nord de la fabrication de pièces d’une valeur de 45 milliards de dollars américains, calcule-t-il.
Les fabricants vont aussi vouloir des pièces produites à faibles émissions de carbone, comme des batteries produites dans la province. « Et une batterie, ça représente 40 % de la fabrication des véhicules électriques, dit-il en entrevue au Devoir. Le Québec peut devenir un leader des batteries et de la gestion du stockage électrique. »
Sobriété sans forcer
Marie-Pier Corbeil et son frère David ont fondé RVE en 2015 avec une autre idée en tête : aider les logements dont l’entrée électrique est déjà entièrement utilisée à alterner automatiquement entre des électroménagers gourmands en électricité — comme une sécheuse à linge — et une borne de recharge pour véhicule électrique.
Ce concept a depuis évolué pour inclure la recharge intelligente à plus grande échelle. Puisqu’il est possible de contrôler le moment où a lieu la recharge, pourquoi ne pas en profiter pour la déplacer — quand les conditions le permettent — à des moments du jour ou de la nuit où le réseau électrique est moins occupé ?
« Le Québec est en train de revoir sa stratégie énergétique. Ce que RVE peut faire pour aider, c’est permettre d’“effacer” jusqu’à 4000 mégawatts de son bilan de consommation énergétique », calcule David Corbeil.
Pour arriver à cette conclusion, David Corbeil calcule que, déjà à partir de 2030, on devrait compter 2 millions de véhicules électriques sur les routes de la province, et qu’au moins 40 % d’entre eux auront besoin d’un système de recharge comme celui que fabrique son entreprise.
À partir de là, il suffira de trouver pour chacun de ces véhicules un moment dans la journée où il sera optimal d’effectuer sa recharge. La production d’énergie n’est pas exactement équivalente à la consommation — pour satisfaire les pics quotidiens de demande, Hydro-Québec doit produire de l’électricité en trop à d’autres moments de la journée. RVE dit pouvoir utiliser cette capacité perdue pour faire disparaître en quelque sorte la consommation ajoutée par une partie des nouveaux véhicules électriques vendus au Québec.
C’est une sobriété énergétique effectuée sans forcer, résume David Corbeil. « C’est une façon simple d’éviter une forme de gaspillage énergétique », conclut-il.