Le gouvernement fédéral a annoncé vendredi son plan pour inciter les géants du Web à conclure volontairement des ententes avec les médias, tout en confirmant que le réseau social Facebook ne serait pas concerné s’il continue à bloquer les nouvelles.
Le gouvernement espère tirer 230 millions de dollars des plateformes qui font plus d’un milliard de dollars de revenus mondiaux et qui ont un trafic de plus de 20 millions de visiteurs uniques par mois au pays, soit essentiellement le moteur de recherche de Google et Facebook. Cela représente environ 4 % de leurs revenus au Canada. La formule plus complexe a été publiée dans un projet de règlement vendredi.
La stratégie d’Ottawa est de faire payer une partie des salaires des journalistes canadiens à même les revenus de ces plateformes étrangères, en vertu de sa nouvelle loi sur les nouvelles en ligne, inspirée d’une loi semblable en Australie.
Elle mise sur le fait que les plateformes ne voudront pas négocier à la pièce, avec chaque média du Canada et devant des arbitres, la compensation des articles qu’elles rendent disponibles. Il leur sera ainsi possible d’être exemptées de ce fardeau, pour peu qu’elles concluent assez d’ententes financières avec une large sélection de médias. Ce printemps, Google se disait irrité de ne pas savoir combien d’ententes suffiraient.
60 jours pour des ententes
Le gouvernement fédéral a ainsi précisé vendredi à partir de quel moment les plateformes auront conclu un nombre satisfaisant d’ententes avec les médias à ses yeux.
Ottawa souhaite que l’argent serve, globalement, à payer la production de contenus de nouvelles locales, régionales et nationales. Dans leurs ententes, les plateformes devront inclure des médias de la diversité, comme au moins cinq médias autochtones et dix de communauté de langue officielle en situation minoritaire. Aucun média ne peut s’en tirer avec un accord de 20 % meilleur que la moyenne de financement par journaliste.
Le montant total des ententes doit être supérieur à 4 % de l’argent total que fait la plateforme, multiplié par la part de l’économie canadienne dans le monde. Les ententes antérieures à la loi sont prises en compte dans cette cible. Plusieurs médias, dont Le Devoir, s’étaient déjà entendu avec Google, Meta, ou encore d’autres plateformes comme MSN de Microsoft et Apple News.
Ottawa répète que Google et Facebook s’approprient 80 % du marché des publicités en ligne, ce qui les rend concurrents des médias tout en profitant d’un « déséquilibre des pouvoirs » envers eux. Google conteste cette estimation.
Le règlement précise aussi toutes sortes de délais, comme un de 30 jours à partir de décembre aux grandes plateformes pour confirmer au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qu’elles sont assez riches pour être concernées.
Surtout, le ministère dicte un délai de 60 jours où il y aura un appel de propositions ouvert par les plateformes. Tous les médias intéressés à conclure une entente avec elles pourront se faire entendre. Cela doit survenir au début de l’année 2024.
Surtout Google
L’entreprise californienne Meta a annoncé cet été le « retrait définitif » des nouvelles sur ses plateformes Facebook et Instagram. Malgré tout, la nouvelle ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a affirmé au Devoir mardi avoir encore espoir de trouver un compromis, ou « des pistes d’atterrissage pour tout le monde ».
Elle n’a pas voulu élaborer sur un éventuel plan B de son gouvernement, advenant que Meta ne change pas d’idée. Des artistes québécois estiment d’ailleurs qu’ils font les frais de l’absence de nouvelles sur Facebook.
Selon le calcul de ses fonctionnaires, toutefois, la plus grande part des 230 millions de dollars lorgnés aux plateformes pour les médias serait en fait tirée de Google, et non de Meta. Par an, 172 millions de dollars proviendraient du célèbre moteur de recherche, contre une soixantaine de millions estimée pour Facebook.
« Il va falloir confirmer ce chiffre avec les intervenants, parce que les états financiers ne sont pas spécifiques au marché canadien », a expliqué un responsable gouvernemental lors d’une séance d’information avec les journalistes.
La loi sur les nouvelles en ligne, connue sous le nom du projet de loi C-18, a reçu la sanction royale en juin, mais n’entrera en vigueur que le 19 décembre 2023. Le texte libéral a reçu l’appui du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique (NPD), mais est dénoncé par le Parti conservateur du Canada et les grandes plateformes.
Meta a indiqué vendredi ne pas avoir l’intention de revenir sur sa décision d’empêcher le partage des nouvelles sur Facebook.