Sept ans plus tard, Québec se souvient de la tuerie à la grande mosquée

Sept ans après la tuerie à la grande mosquée, les blessures sont encore vives au sein des musulmans de Québec. Plusieurs membres de la communauté, des leaders musulmans ainsi que des politiciens québécois étaient réunis lundi soir au Centre culturel islamique de Québec (CCIQ) pour commémorer le tragique attentat. Des tensions étaient toutefois palpables en raison du conflit israélo-palestinien.

Le 29 janvier 2017, un tireur a fait irruption dans la salle de prière, déchargé son arme et fait six morts : Ibrahima Barry, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Azzedine Soufiane et Aboubaker Thabti. Une minute de silence a été tenue en hommage aux victimes lors de la soirée.

 

Le porte-parole du CCIQ, Boufeldja Benabdallah, a prononcé un discours vibrant et émotif en l’honneur de ses concitoyens tombés sous les balles. « C’est important de dire que nous ne pleurons pas juste vainement. Nous pleurons pour nous rappeler ce moment et pour dire que ce sont des moments importants. Que ce sont des moments qui ne devaient pas revenir dans l’humanité. »

Bien que des leaders musulmans ont critiqué, lundi, le gouvernement fédéral en raison de sa position dans le conflit opposant le Hamas et Israël, M. Benabdallah a tenu à souligner la présence des élus lors de la cérémonie. « Nous nous rappelons et nous n’oublierons jamais l’appui des autorités politiques fédérales, comme provinciales, comme municipales », a-t-il dit.

La représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby, a également prononcé une allocution. « C’est une source d’inspiration que de vous voir tous et toutes ici, beau, dans votre résilience et votre diversité, représentant le meilleur de la ville de Québec, de la province de Québec et du Canada », a-t-elle affirmé.

L’année dernière, la nomination de Mme Elghawaby avait provoqué une levée de boucliers au Québec, puisque celle-ci avait écrit en 2019 que les Québécois semblaient « influencés par un sentiment antimusulman ».

Le maire de Québec, Bruno Marchand – le seul politicien à avoir fait une allocution lors de la soirée – a indiqué comment il était difficile de prendre la parole dans de telles circonstances. « Je suis profondément convaincu qu’au-delà de ceux qui font le mal et qui malheureusement permettent au mal de progresser, il y a aussi dans le devoir des femmes et des hommes de bien de ne pas être inactifs », a-t-il soutenu.

Le ministre responsable de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien, était sur place pour représenter le gouvernement du Québec. Les solidaires Etienne Grandmont et Sol Zanetti, le péquiste Pascal Paradis ainsi que le député conservateur fédéral Gérard Deltell étaient aussi présents. La représentante de la délégation générale palestinienne à Ottawa, Mona Abuamara, s’est également jointe à l’événement.

« Tu as du sang sur les mains ! »

Présent lors de la commémoration, le ministre fédéral Jean-Yves Duclos a été pris à partie par un militant pro-palestinien qui a interrompu la commémoration en criant : « Dégage Duclos, on veut pas te voir ici ! Tu as du sang sur les mains ! » L’activiste a finalement été escorté hors de la salle. Le ministre est resté impassible face aux invectives de l’homme.

Son coup d’éclat lui a valu des applaudissements des gens présents pour la cérémonie. La commémoration a repris son cours par la suite.

En point de presse à Ottawa plus tôt lundi, le président du Centre culturel islamique de Québec, Mohamed Labidi, s’est rappelé la tragédie en parlant d’une journée « horrifiante » et « très dure » pour la communauté musulmane.

M. Labidi a affirmé que l’islamophobie était très présente dans les mois qui ont précédé et qui ont suivi l’attentat. « L’islamophobie a continué. […] Les fidèles de la mosquée nous ont rapporté des paroles dégoûtantes, du vandalisme et des comportements violents dirigés contre notre communauté », a-t-il affirmé.

Selon Mohamed Labidi, l’islamophobie est encore bien présente, particulièrement en raison de la guerre entre Israël et le Hamas. Il en tient responsables les dirigeants politiques.

« Le déclenchement de la guerre au Moyen-Orient le 7 octobre a profondément affecté notre communauté. Nous avons entendu des déclarations problématiques les unes après les autres, provenant des divers échelons du gouvernement », a-t-il soutenu.

« Journée nationale de commémoration »

En 2021, M. Trudeau avait déclaré le 29 janvier « Journée nationale de commémoration de l’attentat à la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie ».

Lundi à Ottawa, le premier ministre a souligné cette journée. « On pense aux familles et aux victimes de l’attentat de la mosquée à Québec il y a sept ans. Et on se redédie, comme on devrait se redédier à chaque jour à la lutte contre l’islamophobie, à la lutte contre l’intolérance à la haine sous toutes ses formes », a-t-il affirmé à son arrivée à la période de questions. La Chambre des communes à d’ailleurs tenu un moment de silence pour commémorer l’attentat.

Le président du Conseil national des musulmans canadiens, Stephen Brown, a subitement annulé un entretien prévu lundi avec Justin Trudeau, estimant qu’il était inutile de parler avec un gouvernement qui ne peut pas protéger les Palestiniens et qui n’a pas posé de gestes « tangibles » pour contrer les crimes haineux au pays.

Lundi matin, le premier ministre François Legault a écrit sur les réseaux sociaux que la nation québécoise était toujours « secouée » par la tragédie.

« Il y a sept ans déjà, l’attentat de la grande mosquée de Québec a coûté la vie à six Québécois de confession musulmane, et a fait 19 blessés. Même des années plus tard, notre nation demeure secouée par cette tragédie.

« En ce 29 janvier, j’ai une pensée pour les victimes et leur famille. Au-delà de nos différences, nous sommes tous des Québécois. Nous avons le devoir de faire en sorte que ces actes haineux ne se reproduisent jamais », a-t-il déclaré.

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