Stupeur et consternation en sciences des religions à l’Université de Sherbrooke

C’est avec stupeur et consternation que nous avons appris le mercredi 15 novembre 2023 la décision prise par la haute direction de l’Université de Sherbrooke de fermer tous ses programmes d’études en sciences des religions (certificats, maîtrise, doctorat), dès à présent, en interdisant toute nouvelle inscription.

Stupeur et consternation puisque l’actualité d’hier et d’aujourd’hui ne cesse de rappeler, souvent de manière tragique, combien l’étude de la religion est essentielle à nos sociétés. Sans les sciences des religions, il n’est pas possible de comprendre adéquatement la « guerre sainte » qui fait rage aujourd’hui en Israël et en Palestine. Sans elles, il n’est pas possible de comprendre intimement les ambitions impériales de la « Troisième Rome » russe. Sans elles, il n’est pas possible de comprendre finement le « nationalisme chrétien », voire la « destinée manifeste », des États-Unis d’Amérique.

Sans elles, il n’est pas possible de comprendre la « colère anticléricale » qui habite nombre de Québécois préoccupés par la place de la religion en société, et plus largement les impensés culturels dans le quotidien des Québécois de culture catholique. Sans elles, il n’est pas possible d’accueillir avec intelligence et sensibilité nombre de familles et populations immigrantes au Québec.

Sans elles, il n’est pas possible de former ces jeunes femmes et ces jeunes hommes qui accompagneront spirituellement les malades et les mourants dans nos hôpitaux et centres de santé, et qui l’ont fait avec un rare dévouement pendant la pandémie de COVID-19. Sans elles, il n’est pas possible de rendre pleinement compte des besoins, enjeux et transformations du rapport au Beau, au Bien et au Vrai qui loge au coeur de tout être humain.

Sans elles, nous nous privons de connaissances sur ces trésors plusieurs fois millénaires d’expériences et d’inventivité humaines, qui singularisent la longue marche de l’humanité.

Stupeur et consternation puisque, jusqu’à hier, l’Université de Sherbrooke pouvait s’enorgueillir d’un savoir de pointe sur ces questions existentielles, pour lesquelles il n’y aura jamais trop de chercheurs, d’enseignants et d’étudiants férus et passionnés. Dès 1968, Mgr Lucien Vachon faisait oeuvre pionnière au Québec en introduisant les sciences humaines de la religion à la Faculté de théologie de l’Université de Sherbrooke, à la faveur d’importantes collaborations avec les chercheurs du groupe de sociologie des religions du Centre national de la recherche scientifique de France, s’adjoignant le savoir et le soutien des sociologues de renommée internationale que sont Henri Desroche, Jean Séguy, Jean-Pierre Deconchy, Jacques Maître et Roger Bastide.

Depuis, l’étude de la religion à l’Université de Sherbrooke n’a pas dévié de sa trajectoire tournée vers l’excellence, dont la pertinence fut renouvelée en 2015, lorsque le Centre d’études du religieux contemporain (CERC) prit le relais la Faculté de théologie et d’études religieuses. Ses professeurs et ses étudiants font la fierté du champ d’études québécois de la religion : leurs colloques annuels sont connus et courus des chercheurs d’ici et d’ailleurs ; leurs recherches sont suivies par un nombre imposant de chercheurs, s’attirent des étudiants de tous les coins du globe, contribuent à la formation d’un nombre remarquable et diversifié de diplômés ; leurs publications s’attirent le respect et l’estime de leurs collègues qui se font une joie de joindre leur plume à la leur. Ces chercheurs, jeunes et moins jeunes, sont un foyer d’intelligence au coeur de Sherbrooke, de l’Estrie et du Québec.

Stupeur et consternation, puisque cette fermeture des programmes en sciences des religions de l’Université de Sherbrooke s’est faite de manière intempestive, sans collégialité ni explications claires ou convaincantes. Ses professeurs ont été placés hier devant le fait accompli, sans signe avant-coureur ou simple consultation. Une décision faite dans la hâte, sans évaluations approfondies des programmes, ni analyse des retombées, ni consultation auprès de la population sherbrookoise.

À notre connaissance, le CERC était une structure viable, fonctionnelle et performante. Il y a même tout lieu de croire qu’il réalisait une prouesse en demandant à ses professeurs de porter plus d’un chapeau disciplinaire sans se disperser. Plutôt que d’être félicités, ils sont maintenant remerciés et leurs efforts, déçus, sans compter la démotivation vécue par les étudiants en mi-parcours qui y demeurent inscrits.

Parions que le Syndicat des professeures et professeurs de l’Université de Sherbrooke voudra se pencher sur cette décision qui touche plus largement la conception que nous avons de l’université. Une université qui, comme l’a rappelé avec succès le Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval lors de la grève historique de l’année dernière, avec l’appui de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université, ne peut réaliser sa mission autrement que dans la plénitude de ses savoirs spécialisés — une « université complète », entendue comme lieu de synthèse, de création, de critique et de transmission du savoir humain.

Nous, cosignataires, invitons la haute direction de l’Université de Sherbrooke à renoncer à ses projets d’arrière-garde, et à renouer avec la vision avant-gardiste qui caractérise sa longue et riche tradition.

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