Taïwan appelle Pékin à «respecter les résultats de l’élection» présidentielle

Taïwan a appelé dimanche la Chine à « respecter les résultats de l’élection » présidentielle remportée la veille par Lai Ching-te, qui affirme que l’île est de facto indépendante et promet de la défendre face aux menaces de réunification.

« Le ministère des Affaires étrangères appelle les autorités de Pékin à respecter les résultats de l’élection, à faire face à la réalité et à renoncer à réprimer Taïwan », selon un communiqué du ministère taïwanais.

Malgré le vote, « Taïwan fait partie de la Chine », avait affirmé plus tôt un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères sur le réseau social X (ex-Twitter). 

Dès samedi soir, le pays communiste, qui considère Taïwan comme l’une de ses provinces à réunifier par la force si nécessaire, avait assuré que ce vote « n’entraverait pas la tendance inévitable d’une réunification avec la Chine ». Il avait promis de « s’opposer fermement aux activités séparatistes visant à l’indépendance de Taïwan ainsi qu’à l’ingérence étrangère ».

Affirmant avoir reçu les félicitations de « plus de 50 pays dont 12 alliés diplomatiques », le ministère des Affaires étrangères taïwanais a dénoncé les « commentaires absurdes et erronés » des autorités chinoises.

À Washington, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a félicité Lai Ching-te ainsi que les Taïwanais pour leur « solide système démocratique ».

Ce message a immédiatement fait réagir Pékin, estimant qu’il « envoie un signal profondément erroné aux forces séparatistes en faveur de “l’indépendance de Taïwan” ».

Mais « nous ne soutenons pas l’indépendance », a tempéré de son côté le président américain Joe Biden.

Délégation américaine attendue

Dès dimanche, une délégation américaine informelle composée de l’ancien conseiller à la Sécurité nationale Stephen Hadley, de l’ex-secrétaire d’État adjoint James Steinberg et de la présidente de l’Institut américain à Taïwan, Laura Rosenberger, est attendue à Taïwan.

Elle doit rencontrer lundi « une série de personnalités politiques de premier plan et transmettre les félicitations du peuple américain à Taïwan pour le succès des élections », selon le communiqué de l’Institut.

Le statut de Taïwan est l’un des sujets les plus explosifs de la rivalité entre la Chine et les États-Unis.

Les États-Unis ne reconnaissent pas Taïwan comme un État et considèrent la République populaire de Chine comme seul gouvernement légitime, mais apportent néanmoins à l’île une aide militaire importante.

Au terme d’une campagne marquée par une forte pression diplomatique et militaire de la Chine, le vice-président taïwanais sortant Lai Ching-te, 64 ans, a remporté samedi l’élection présidentielle à un tour avec 40,1 % des voix. Il prendra ses fonctions le 20 mai, aux côtés de sa vice-présidente, Hsiao Bi-khim, ancienne représentante de Taipei à Washington.

Issu du Parti démocrate progressiste (PDP) comme la présidente sortante, Tsai Ing-wen — qui ne pouvait se représenter après deux mandats —, Lai Ching-te a promis de « protéger Taïwan des menaces et intimidations continuelles de la Chine ».

Celui qui, par le passé, s’était défini comme « un artisan pragmatique de l’indépendance de Taïwan », a depuis adouci son discours : désormais, comme Tsai Ing-wen, il adopte une position plus nuancée, affirmant qu’un processus d’indépendance n’est pas nécessaire car l’île est indépendante de facto, avec son propre gouvernement et ses élections.

Mais il reste perçu par Pékin comme un promoteur d’« activités séparatistes liées à l’indépendance » et « un grave danger » pour les relations entre la Chine et Taïwan.

La Chine avait donc appelé les Taïwanais à faire « le bon choix », mais ceux-ci ont préféré Lai Ching-te à son principal opposant Hou Yu-ih, du Kuomintang, qui prônait un rapprochement avec Pékin.

« Nous disons à la communauté internationale qu’entre la démocratie et l’autoritarisme, nous serons du côté de la démocratie », a lancé le président élu face à ses partisans, promettant toutefois de « poursuivre les échanges et la coopération avec la Chine », premier partenaire commercial de l’île.

« Faire monter la pression »

Le territoire de 23 millions d’habitants situé à 180 kilomètres des côtes chinoises est salué comme un modèle de démocratie en Asie.

« La troisième victoire présidentielle consécutive du parti au pouvoir, sans précédent, décevra la Chine », a commenté Bonnie Glaser, spécialiste de la Chine au German Marshall Fund à Washington, mais sans entraîner de « changement à court terme de la stratégie de réunification de Pékin ».

L’analyste juge également « improbable […] que le président chinois, Xi Jinping, reprenne les contacts officiels avec le gouvernement taïwanais, qui ont été suspendus il y a huit ans », après l’élection de Tsai Ing-Wen.

Pour Alexander Huang, expert militaire de l’université Tamkang à Taipei, une réaction militaire de la Chine au scrutin « ne sera sans doute pas immédiate ».

Mais « Pékin va faire monter la pression sur Taïwan d’autres manières : après tout, Lai Ching-te, ce n’est pas comme Tsai Ing-wen », dit-il, estimant que le président élu est perçu par Pékin comme plus radical que sa prédécesseure.

Un conflit dans ce détroit serait désastreux pour l’économie mondiale : l’île fournit 70 % des semi-conducteurs de la planète et plus de 50 % des conteneurs transportés dans le monde y transitent.

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