Téhéran et Moscou font une mise en garde contre l’«interventionnisme» dans le conflit Azerbaïdjan-Arménie

L’Iran et la Russie ont dénoncé lundi l’interventionnisme européen et américain dans les tensions entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie — au plus haut depuis la reconquête par Bakou de la région du Haut-Karabakh —, au cours d’une réunion à Téhéran destinée à trouver une issue sans les Occidentaux.

En parallèle, le ministère azerbaïdjanais de la Défense a annoncé lundi le début de manoeuvres militaires tenues avec la Turquie près de l’Arménie, qui craint justement que l’Azerbaïdjan voisin veuille empiéter sur son territoire.

Réunis avec les chefs des diplomaties arménienne, azerbaïdjanaise et turque, les ministres iranien et russe des Affaires étrangères ont affiché à Téhéran leur entente pour montrer qu’ils n’ont pas besoin, selon eux, des Occidentaux pour régler les tensions régionales. « Les problèmes de la région ne peuvent être réglés par l’intervention de forces étrangères », a déclaré le président iranien, Ebrahim Raïssi, ont dit ses services. « La présence d’étrangers dans la région non seulement ne résout pas les problèmes, mais complique la situation », a renchéri son ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian.

À l’issue des discussions, son homologue russe, Sergueï Lavrov, a lui aussi dénoncé « les tentatives de la part, en premier lieu, de l’UE, et, dans une certaine mesure, des États-Unis, de s’immiscer dans le processus de délimitation » de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Dans une déclaration commune finale, les participants à la rencontre ont ainsi rappelé « l’importance du règlement pacifique des différends, du respect de la souveraineté, de l’indépendance politique, de l’intégrité territoriale […], de la non-ingérence dans les affaires intérieures ».

Sergueï Lavrov, qui s’est également entretenu en tête-à-tête avec le président Raïssi, a par ailleurs assuré que la porte restait « ouverte » à un autre pays de la région, la Géorgie, absente lundi, et qu’une prochaine réunion était prévue en Turquie « à peu près au premier semestre de l’année prochaine ».

L’Azerbaïdjan et l’Arménie se vouent une haine tenace, et les tensions ont connu un vif regain avec la reconquête militaire éclair du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan fin septembre, alors que la région était depuis une trentaine d’années aux mains de séparatistes arméniens. La quasi-totalité de la population — plus de 100 000 personnes sur les 120 000 officiellement recensées — a fui en Arménie.

Avant cela, l’Azerbaïdjan et l’Arménie s’étaient opposés pendant deux guerres pour le contrôle de cette enclave montagneuse, l’une dans les années 1990, à la dislocation de l’URSS, l’autre à l’automne 2020, remportée par Bakou.

L’Arménie craint désormais que son voisin, plus riche, mieux armé et soutenu par la Turquie, cherche à pousser son avantage. Elle a notamment peur que l’Azerbaïdjan soit tenté de relier par la force l’enclave du Nakhitchevan au reste de son territoire en attaquant des régions méridionales arméniennes.

Au cours d’une conférence de presse, lundi, le chef de la diplomatie iranienne a de son côté dit que Téhéran espérait « l’instauration d’une paix durable dans la région du Caucase du Sud » par « un accord de paix entre Bakou et Erevan le plus rapidement possible ».

Manoeuvres militaires

 

Plus tôt dans la journée, le ministère azerbaïdjanais de la Défense avait toutefois annoncé la tenue de manoeuvres militaires dans l’enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan, frontalière de l’Arménie et de l’Iran, ainsi que dans des « territoires libérés », dont l’emplacement n’a pas été précisé et qui pourraient désigner le Haut-Karabakh ou des districts azerbaïdjanais mitoyens.

La Turquie, un soutien de l’Azerbaïdjan, et la Russie, considérée comme alliée de l’Arménie, jouent un rôle majeur dans la région. Mais la récente offensive au Haut-Karabakh a rebattu les cartes. Erevan a accusé Moscou de l’avoir abandonné en n’arrêtant pas les forces de Bakou, des critiques rejetées par la Russie.

À la recherche de protection, l’Arménie semble donc prête à davantage se tourner vers les Occidentaux. Ce pays a par exemple ratifié mi-octobre son adhésion à la Cour pénale internationale (CPI), ce qu’elle espère être un bouclier supplémentaire contre les potentielles ambitions de l’Azerbaïdjan. Un geste vu d’un très mauvais oeil par Moscou, la CPI ayant lancé au printemps un mandat d’arrêt contre le président Vladimir Poutine pour la « déportation » d’enfants ukrainiens vers la Russie, une décision que Moscou juge « nulle et non avenue ».

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