« Testament » : l’amour au temps du désarroi

Jean-Michel, un archiviste septuagénaire, attend patiemment la mort. N’ayant eu ni conjointe, ni enfant, il trépassera dans l’indifférence générale, comme il le confie sans état d’âme en voix hors champ. Mais voici que, dans la résidence pour aînés où il habite, une commotion vient renvoyer au second plan les mornes considérations existentielles de Jean-Michel.

En effet, de jeunes militants en ont contre une fresque qui orne un mur de l’endroit. Bientôt, Suzanne, la directrice de céans qui fait les yeux doux à son résident, est prise à partie par les manifestants, les médias et le gouvernement. Dans Testament, de Denys Arcand, Rémy Girard et Sophie Lorain se courtisent sur fond de patrimoine offensant.

Évidemment, le sort qu’il convient de réserver à la fresque litigieuse est d’abord et avant tout un prétexte que le réalisateur du Confort et l’indifférence, Le déclin de L’empire américain et Les invasions barbares utilise afin de radiographier, à nouveau, sa société. Cela, en recourant à la satire.

Or, comme dans L’âge des ténèbres, le cinéaste a parfois la main lourde. Ce film-ci s’avère toutefois plus efficace, tant au niveau du fond que de la forme — réalisation tout en contrôle et en élégance discrète (jolie direction photo de Claudine Sauvé). Il y a ici ample matière à réflexion.

Les premières minutes provoquent la circonspection, alors que Jean-Michel (un Rémy Girard inspiré) va recevoir un prix littéraire : seul homme (âgé) du lot, il est malmené par toutes les autres lauréates (insérez une blague sur le mot « autrice ») : à l’heure où des auteurs masculins brillent dans les grandes récompenses littéraires, ce côté « homme assiégé » fait sourire, mais pas pour les raisons voulues.

Heureusement, Arcand rectifie le tir (et le dosage) ensuite en détaillant, par petites touches, le quotidien de Jean-Michel, entre ses deux jours de travail aux Archives nationales (belle complicité avec la jeune collègue jouée par Katia Gorshkova), ses promenades au cimetière, les visites d’écoute affectueuse pour lesquelles il paie une jeune femme (Marie-Mai, impeccable), la bière avec le vieux chum (Edgar Bori, naturel), et surtout, la tendre complicité et plus si affinité qui se dessine entre lui et la directrice malmenée (Sophie Lorain, excellente mais affublée d’une très apparente perruque).

Car entre les revendications des jeunes manifestants (menés par une intraitable Alexandra McDonald) qui prétendent représenter les Premières nations, le cirque médiatique et les pressions exercées par un gouvernement prompt à retourner sa veste « toujours du bon côté » comme chantait Dutronc (chapeau à Caroline Néron et à sa tirade ministérielle pure langue de bois), Suzanne a bien besoin d’une distraction.

Un deuxième avis

 

Afin d’aider son amie, Jean-Michel sollicitera l’avis d’une experte mohawk, laquelle experte dénoncera elle aussi la fresque, mais pour des raisons autrement valables. Face aux reproches superficiels formulés au début du film par les manifestants, dont aucun n’est autochtone il appert, on a cette fois droit à une perspective historique poignante : pour la représentante mohawk, cette rencontre entre Français et Mohawks, c’est l’annonce d’un génocide.

L’actrice mohawk Alex Rice porte avec grâce cette scène pivot, qui est suivie par un échange plus léger, mais tout aussi révélateur, entre son personnage et celui de Rémy Girard.

À cet égard, après une première partie aux accents parfois caricaturaux, le film alterne avec davantage de bonheur, gravité et humour en seconde partie. Quoique le cinéaste ne ménage jamais ses cibles, en l’occurrence la classe politique, qu’il varlope tous partis confondus, ainsi que les jeunes militants (des anglophones et une poignée de Français qui manifestent en anglais) dépeints comme étant, au mieux, inconscients, au pire, hypocrites.

C’est un peu court.

Vers la sérénité

 

Devant le traitement plus tendre réservé à une manifestation ultérieure de baby-boomers nationalistes (Pierre Curzi, Johanne-Marie Tremblay), on devine que Denys Arcand partage le désarroi de ces derniers. Qu’on le ressente soi-même ou pas, ce désemparement émeut.

Et puis, à ce stade, il y a longtemps que la teneur du discours s’est transformée : comme sur la défensive au commencement, le film affiche à l’approche du dénouement une espèce de lâcher-prise.

De la même manière, la résignation tranquille de Jean-Michel a, elle, cédé la place à une sérénité lumineuse. Parce qu’au-delà des querelles politicoculturelles, la possibilité de l’amour demeure. À ce propos, si son film est certain de ne pas plaire à tout le monde, on ne pourra en revanche pas accuser Denys Arcand de se montrer cynique.

En apparence dépareillés, Suzanne et Jean-Michel sont en réalité bien assortis : il est en perte de repères, et elle, en perte de contrôle. Et comme le suggère le film, ce n’est en définitive pas plus mal ainsi.

Le film Testament sort le 5 octobre

Testament

★★★

Comédie satirique de Denys Arcand. Avec Rémy Girard, Sophie Lorain, Edgar Bori, Caroline Néron, Alex Rice, Guillaume Lambert, Guylaine Tremblay, Robert Lepage, Yves Jacques. Québec, 2023, 115 minutes. En salle le 5 octobre.

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