Textor voit le risque de Ligue 2 comme « une blague »… Tout est réuni pour le désastre à Lyon, non ?

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Au Parc OL,

« Two rooms, two atmospheres. » Soyons fous, tentons cette traduction approximative pour coller à l’expression « deux salles, deux ambiances » qui a connu un exemple éclatant, dimanche dans la zone mixte du Parc OL, à seulement dix minutes d’intervalle. D’un côté un Anthony Lopes dépité, révolté par le premier quart de saison cataclysmique de son club de toujours, de nouveau lanterne rouge de Ligue 1 après sa défaite du soir contre Clermont (1-2). Trois nuls et six défaites en neuf journées (3 points sur 36 possibles) , -11 de goal-average, et déjà six points de retard sur le premier non relégable, et cinq sur le barragiste…

Il n’en fallait pas plus pour totalement miner le gardien du temple Olympique Lyonnais. Sauf que son président américain John Textor lui a succédé face aux médias, très détendu, et prêt à balayer d’un revers de main, et avec un franc sourire, la question d’une relégation en Ligue 2 qui hantait dimanche les 44.000 courageux s’étant rendus à Décines. On vous laisse apprécier le contraste.

  • Anthony Lopes : « Il n’y a que du négatif. Le club est en très grande difficulté, ça fait mal. On démarre mal le match, on n’est pas agressifs, en dilettante et on le paie cash. Dans cette situation, si chacun tire un peu de son côté, on n’arrivera pas à s’en sortir. Il va vraiment falloir qu’on soit tous ensemble. Pour la plupart de l’effectif, c’est une situation que personne n’a connue. »
  • John Textor : « Notre équipe est trop bonne pour avoir ces résultats. On a vu une grande qualité sur le terrain ce soir, une belle performance. On ne devrait pas être à la place où nous sommes. Beaucoup de nos joueurs s’améliorent. »
  • Anthony Lopes : « Il va falloir des joueurs de caractère pour qu’on s’en sorte. A nous de déjouer les statistiques. Si on commence à baisser pied petit à petit, ce sera très compliqué. La totalité de l’effectif doit vraiment prendre conscience de cette situation, de l’histoire du club, du blason à respecter. Il faut tirer vers le haut les mecs qui ont un peu plus la tête en bas que les autres ».
  • John Textor : « Cette équipe ne risque pas la relégation. Aucune équipe reléguée dans n’importe quel championnat ne joue comme on l’a fait ce soir. On ne voit pas ce type de qualité dans une équipe qui descend. Non, ouvrez les yeux, notre équipe est trop bonne pour ça. Ceux qui évoquent la relégation veulent juste parler de peur, faire des histoires. C’est un peu une blague, un non-sens, je ne prends pas ça sérieusement. Personne n’est inquiet dans le vestiaire, dans le staff ou moi. On ne parle pas du tout d’une relégation. Quiconque suit vraiment ce sport n’est pas inquiet ».
John Textor, dimanche face aux médias après la nouvelle défaite de l'OL contre Clermont.
John Textor, dimanche face aux médias après la nouvelle défaite de l’OL contre Clermont. – J.Laugier / 20 Minutes

« Il y a beaucoup de négativité autour de ce club »

A l’image de la réaction passionnée, avec même une rage montrant à quel point il est à bout de nerfs sur une simple réduction de l’écart dimanche (1-2, 52e), d’Anthony Lopes, donc John ? Ou de celle d’Alexandre Lacazette, une nouvelle fois groggy au coup de sifflet final, le visage enfoui dans son maillot. Ou encore des larmes difficilement cachées par Corentin Tolisso après une précédente défaite à Reims (2-0). Le décalage de discours dirigeants/joueurs a rarement été aussi extrême dans le monde du foot professionnel. Mais après tout, outre-Atlantique, ce concept de relégation n’existe pas dans les ligues sportives professionnelles, toutes fermées. Ceci expliquerait cela ?

Présent pour cet OL-Clermont opposant les deux derniers du championnat, John Textor cherche surtout à briser l’idée d’une dynamique et d’un contexte 100 % négatif autour du club septuple champion de France, dont la dernière saison en Ligue 2 remonte à 1988-1989. « Il y a beaucoup de négativité autour de ce club, de la part des politiques [coucou Bruno Bernard, président EELV de la métropole de Lyon], de la direction précédente [coucou Jean-Michel Aulas], indique ainsi John Textor. Je suis très déçu d’entraîner les supporteurs dans tout ça. » Si les deux virages ont soutenu leur équipe d’un bout à l’autre de la rencontre, malgré un énième couac précipité par deux décisions arbitrales controversées, les Bad Gones se sont fendus au coup de sifflet final d’un chant prouvant à la fois leur autodérision et une forme de résignation : « On est en Ligue 2, on est en Ligue 2 ».

« On a déjà la qualité pour être une des meilleures équipes »

Il reste certes 25 journées de championnat, dont un bouillant déplacement à Marseille dimanche prochain, mais la stat qui tue est tombée : 14 des 17 dernières équipes ayant compté 3 points après 9 journées de Ligue 1 ont dégringolé en Ligue 2 à la fin de la saison. De quoi mettre à mal la thèse de l’accident plaidé par John Textor, non ? Le propriétaire américain, également actionnaire à Botafogo, Molenbeek et Crystal Palace, n’hésite pas à annoncer qu’après l’encadrement de la masse salariale de l’été, la DNCG « va être impressionnée ». Et donc l’OL s’apprête à bouger sur le marché des transferts hivernal, notamment en recrutant deux Brésiliens… de Botafogo (évidemment), à savoir le défenseur central Adryelson (25 ans) et le gardien Lucas Perri (25 ans). Tiens tiens, ça sent la nouvelle bien accueillie par Anthony Lopes en janvier tout ça.

« On attend ce mercato avec impatience, lance en tout cas John Textor. Mais on a déjà la qualité pour être une des meilleures équipes du championnat. » OK, avec tout de même 12 points de retard sur la zone Ligue des champions qu’il visait ouvertement en début de saison. Mais au fait, pourquoi n’y a-t-il pas eu jusque-là le moindre semblant d’électrochoc à Lyon depuis l’arrivée de Fabio Grosso (un nul et trois défaites en quatre matchs) à la place de Laurent Blanc ? Le technicien italien tâtonne méchamment, avec pas moins de 22 joueurs utilisés sur ces quatre rencontres, et même 25 éléments convoqués samedi en vue de la réception de Clermont.

« Lyon est en danger, il faut sauver le club »

« On n’a pas trouvé notre groupe car on n’a pas de résultats, constate Fabio Grosso. C’est malheureux de laisser des gens à la maison quand on voit que ceux qui viennent sur le terrain ne donnent pas tout. On n’a pas l’énergie, l’intensité et la rage qui conviennent. Là, on était trop contractés et on n’a pas fait beaucoup d’efforts en première période ». » D’où un triple changement dès la pause dimanche, qui a notamment visé à sanctionner Rayan Cherki et à (un peu) relancer l’équipe lyonnaise après la pause. L’ancien coach de Frosinone est en tout cas clairement plus dans le camp d’Anthony Lopes que de John Textor au niveau de son message face aux médias.

Il faut ressentir cette grande responsabilité de vouloir s’en sortir. Lyon est en danger, et il faut sauver le club. On ne peut pas lâcher. Ceux qui ne croient pas qu’on peut remonter doivent se mettre de côté. Le classement est très clair : il faut remonter au moins deux équipes qui sont devant nous. On n’a pas d’autre souci dans la tête pour le moment. On est dans une dynamique où on n’a pas les qualités pour gagner ce match-là. »

A domicile contre une lanterne rouge sans la moindre victoire au compteur jusque-là donc, c’est dire à quel point cet OL est malade/en crise, malgré le positivisme à toute épreuve de John Textor. Celui-ci reconnaît tout de même une erreur de sa part : « L’intensité et le travail n’étaient pas là en présaison. J’aurais dû agir plus vite concernant l’entraîneur durant l’été. Je suis donc responsable du mauvais début de saison. » Lolo White appréciera.

Arrivé il y a un mois en remplacement de Laurent Blanc, Fabio Grosso n'est pas encore parvenu à remettre l'OL dans le sens de la marche en Ligue 1.
Arrivé il y a un mois en remplacement de Laurent Blanc, Fabio Grosso n’est pas encore parvenu à remettre l’OL dans le sens de la marche en Ligue 1. – JEFF PACHOUD / AFP

« La relégation n’arrive pas qu’aux autres »

L’inquiétude était en tout cas contagieuse dans les travées du Parc OL dimanche, puisque deux joueurs clermontois, formés à Lyon, n’affichaient pas trop leur joie de l’avoir enfin emporté. Ancien capitaine de l’OL, Maxime Gonalons reconnaît même éprouver « beaucoup de peine » de voir son club de cœur à cette dernière place en Ligue 1 : « C’est une situation très très compliquée, qui n’était pas envisageable. Il faut qu’ils s’accrochent mentalement. La relégation n’arrive pas qu’aux autres, donc il faut qu’ils restent vigilants, qu’ils montrent du caractère. Plus que les joueurs, c’est surtout le club qui n’est pas habitué à jouer le maintien ». Son partenaire à Clermont Foot, le capitaine Florent Ogier confie à 20 Minutes son analyse quant à « cette équipe qui doute ».

« A un moment, il faut mettre les mots de danger et de maintien sur ce qu’il se passe car c’est toujours bon d’entendre cela, indique le défenseur central, buteur contre son camp dimanche sur un ballon dangereux de Corentin Tolisso. Oui, c’est l’OL, avec des joueurs intéressants voire très bons, avec une carrière longue comme le bras. On se dit bien sûr qu’avec la qualité qu’il y a, quand ça va se déclencher… Oui, mais quand ? Car plus le temps passe, plus c’est compliqué, et il faut toujours faire attention. Les joueurs prennent surtout conscience quand ça vient d’en haut. A ce moment-là, il y a au moins une prise de conscience générale. » Sauf qu’à Lyon, le nouveau boss semble être la personne la moins consciente du réel danger, qui a puni depuis quinze ans d’autres très grands clubs comme le FC Nantes, l’AS Monaco, les Girondins de Bordeaux et le cher voisin stéphanois.

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