Théorie du genre 101 | Le Devoir

Non, la théorie du genre ne nie pas l’existence des sexes biologiques. Ce serait ridicule, bien sûr, mais ce n’est pas vrai, et il est inadmissible qu’on laisse tenir ce genre de propos dans nos médias, dont la mission fondamentale est de nous éclairer. Alors, prenons quelques minutes pour nous rappeler ce que disent vraiment les chercheurs qui travaillent sur cette question depuis Simone de Beauvoir en 1949. Il s’agit en fait d’une chose assez simple : l’identité d’un individu ne se résume pas à son sexe biologique.

Rappelez-vous : madame de Beauvoir nous expliquait dans Le deuxième sexe qu’« on ne naît pas femme, on le devient ». Elle entendait par là que, à cette première identité biologique, être soit un garçon, soit une fille — une fille dans ce cas —, les sociétés ajoutent des caractéristiques culturelles au fait d’être l’un ou l’autre. Autrement dit, il existe deux paliers — au moins — dans l’identité d’une personne : son sexe et ce qu’on appelle son « genre », c’est-à-dire ce qui est construit socialement. On dit du premier qu’il est inné et du second qu’il est acquis.

Ce genre est acquis de multiples manières, avec encore souvent de nombreuses pressions sociales, pour que les filles ressemblent à ce qu’on attend d’elles dans leur société ; les garçons doivent également correspondre au rôle qu’on leur attribue culturellement. En passant, c’est pour cette raison que les comportements masculins ou féminins ne sont pas universels.

Les genres sont différents selon les cultures qui les induisent et les époques qui les voient naître. Je ne m’habille pas comme ma grand-mère le faisait à son époque, et les choix qui s’offraient à moi, dans la même société, sont beaucoup plus vastes que ceux qu’on lui autorisait. Je ne m’habille pas non plus comme une Afghane et j’ai infiniment plus de choix dans ma société qu’elles n’en ont dans la leur. La théorie du genre est aussi simple que ça.

Il est exact que la théorie du genre est devenue le cadre d’analyse fondamental du féminisme contemporain parce que les caractéristiques associées — ou imposées — au sexe féminin ont longtemps contrarié l’autonomie des femmes, leur droit à gérer leur propre corps, et nié leur égalité entière avec les hommes, comme c’est encore le cas dans beaucoup de pays. Ces caractéristiques, censées être l’essence du féminin, nous ont aussi longtemps exclues du pouvoir et de la sphère publique. C’est à ce déterminisme du sexe que s’opposent les féministes.

Il est exact aussi que la théorie du genre est l’un des fondements des analyses qui cadrent les luttes de la communauté LGB, lesbiennes et homosexuels masculins, parce que les pressions culturelles et sociales poussent garçons et filles vers l’hétérosexualité et qu’une partie des populations dans le monde ne peut pas adhérer à ces schémas ou à ces modes de vie. On dit que ces pressions sociales et culturelles sont hétéronormatives.

Dans certains pays, les pressions hétéronormatives sont d’une violence extrême. En dévier peut mener à la peine capitale. C’est à ces pressions hétéronormatives dans la construction du genre que s’opposent militants homosexuels et lesbiennes militantes.

Je ne suis pas spécialiste de la transsexualité, le T dans le terme LGBTQ+, mais il me semble qu’avec un peu d’empathie, en réfléchissant à partir des données de cette théorie, on peut comprendre que des personnes soient tellement mal à l’aise avec ces pressions et les rôles culturels qu’on impose à leur sexe qu’elles s’en rendent malades. C’est contre ces pressions que luttent les représentants militants des personnes transsexuelles et leurs alliés.

Enfin, rappelons-nous que toutes les religions (oui, toutes) considèrent et enseignent dans leurs temples que les hommes et les femmes ont des rôles différents à jouer dans leur vie parce que Dieu l’aurait voulu ainsi. Il est donc évident que ces religions ne pourront jamais admettre une théorie qui énonce que le sexe n’est pas un déterminisme social, ou simplement qu’il ne doit pas l’être.

Les religions s’opposeront toujours à la théorie du genre. Cette théorie du genre est pourtant émancipatrice, et c’est à ce titre qu’elle a sa place dans nos écoles. Elle aide les êtres humains à vivre des vies pleines, entières et harmonieuses. C’est contre l’obscurantisme de ceux qui s’y opposent qu’il faut s’insurger parce que l’identité d’un individu ne se résume pas à son sexe biologique.

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