Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a longuement salué vendredi la riposte ferme du Canada à l’invasion russe, devant un Parlement canadien qui fait toujours bloc derrière l’Ukraine dans un contexte où une fatigue s’installe chez d’autres alliés.
« Je te remercie, Canada », a lâché en français le chef d’État tout de kaki vêtu, provoquant une pluie d’applaudissements dans une Chambre des communes pleine à craquer de députés, de sénateurs et d’invités, dont plusieurs réfugiés ukrainiens.
Volodymyr Zelensky a multiplié les marques de gratitude envers le Canada, qui se tient « du bon côté de l’histoire ». L’aide canadienne « a sauvé des milliers de vies » depuis le début de l’invasion russe, il y a 575 jours. Il prie le pays de continuer de se serrer les coudes avec l’Ukraine jusqu’à la victoire.
C’est précisément ce que lui promet le premier ministre Justin Trudeau. Ce dernier a continué de prêcher pour « l’intégrité territoriale de l’Ukraine », pays dont toute la partie orientale est occupée par la Russie depuis février 2022. Le premier ministre a annoncé l’envoi de 50 véhicules blindés supplémentaires, ce qui porte l’aide totale destinée à l’Ukraine à plus de 9 milliards et demi de dollars.
« Les Canadiens sont aux côtés du peuple ukrainien qui défend sa liberté », a réagi le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, par voie de communiqué. Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique ont eux aussi affirmé sans ambiguïté leur appui à la cause ukrainienne.
Le président Zelensky n’a pas reçu un accueil aussi consensuel à Washington la veille, où ses appuis politiques s’effritent dans la frange la plus à droite du Parti républicain. En Europe, la Pologne a annoncé la fin des livraisons d’armes à Kiev.
Devant les journalistes à Ottawa, le président ukrainien a minimisé cette tendance. Il a rappelé que les États-Unis font encore partie de ses plus fidèles soutiens, et a accusé la Russie de vouloir « diviser l’Europe » et le reste du monde à coups de milliards d’investissements.
Reconnaître le « génocide »
Avant de sortir de scène pour enlacer Justin Trudeau, Volodymyr Zelensky a longuement insisté lors de son discours pour présenter l’occupation de l’Ukraine comme un « génocide ». « Peut-on accepter que notre identité soit effacée ? Non », a-t-il soutenu.
Il a rappelé aux parlementaires canadiens l’Holodomor, la grande famine ukrainienne orchestrée par le Kremlin il y a 90 ans. « Pour que la Russie ne commette plus jamais de génocide en Ukraine et qu’elle n’essaie plus de le faire, Moscou doit perdre une fois pour toutes. Et Moscou perdra ! » a déclaré M. Zelensky.
Il est, selon lui, « immoral » pour les pays d’adopter une position de neutralité, un piège dans lequel n’est pas tombé le Canada. « Le leadership du Canada dans les sanctions avec la Russie a encouragé le monde à suivre son exemple. »
Le premier ministre Justin Trudeau, qui a été le premier à prendre la parole, a réitéré que le Canada sera aux côtés de l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra ».
Le Canada jusqu’au bout
Après les membres du Conseil de sécurité des Nations unies, le chef du gouvernement canadien a mis en garde les membres du Parlement contre la conclusion d’une « fausse paix » qui serait en fait « un compromis imposé par l’agresseur » russe.
« J’ai vu de mes propres yeux le mal destructeur infligé par Poutine lors de mes visites en Ukraine depuis le début de la guerre. J’ai vu des quartiers bombardés, des ponts réduits à des ruines d’acier, de même que des maisons abandonnées. J’ai également vu cette douleur sur les visages des citoyens de votre pays », a témoigné Justin Trudeau.
Il a annoncé l’envoi de 50 véhicules blindés supplémentaires, comme des véhicules d’évacuation médicale, tout en précisant qu’ils seront « construits par des travailleurs canadiens, à London, en Ontario ». L’aide à l’Ukraine sera ainsi bonifiée de 650 millions de dollars sur trois ans.
On précise aussi des détails de l’aide canadienne déjà annoncée. Au menu : entraînement des pilotes ukrainiens sur les avions de chasse F-16, caméras pour drones et livraison de défense antiaérienne, notamment.
Jusqu’ici, l’aide du Canada à l’Ukraine se chiffrait à 8,9 milliards de dollars, dont 1,8 milliard en aide militaire. Ottawa a fourni à Kiev des systèmes de défense aérienne, de l’artillerie, des véhicules blindés et une poignée de chars d’assaut Leopard 2. Le premier ministre Trudeau a indiqué qu’il avait pour projet de mener une coalition internationale dans le but de saisir les actifs de la banque centrale de Russie pour payer la note.
En point de presse, le premier ministre a fait valoir que « si la Russie gagne, les Canadiens, dans leur quotidien, dans leurs factures d’épicerie, dans leurs perspectives d’avenir, souffriraient des conséquences ».
Fin de la tournée à Toronto
Le président ukrainien a amorcé sa visite au Canada, la première depuis l’invasion russe de son pays de l’hiver 2022, après un saut au siège de l’Organisation des Nations unies (ONU), à New York, puis à Washington. Il a été accueilli jeudi soir sur le tarmac de l’aéroport d’Ottawa par M. Trudeau, qui s’est empressé de lui réitérer le « soutien indéfectible » du Canada dans son conflit avec la Russie.
Le président ukrainien a ensuite rencontré la gouverneure générale, Mary Simon, vendredi avant-midi, avant de se déplacer vers la colline du Parlement sous haute escorte policière. Le président ukrainien a retrouvé son homologue canadien pour une rencontre bilatérale, puis lors d’une autre réunion à laquelle plusieurs ministres des deux pays prenaient part.
M. Zelensky l’a de nouveau remercié en l’appelant par son prénom, tout en s’excusant de ne pas parler français. Il a promis de revenir au Canada avec ses enfants une fois la victoire obtenue. À l’extérieur du parlement, quelques dizaines de personnes brandissaient des drapeaux ukrainiens et manifestaient leur appui au président en visite. Ottawa est l’hôte de manifestations quotidiennes d’appui à l’Ukraine, d’ordinaire organisées devant l’ambassade russe.
Volodymyr Zelensky et Justin Trudeau s’envolaient ensuite pour Toronto, au moment où ces lignes étaient écrites. Les deux chefs de gouvernement doivent rencontrer des entrepreneurs et des membres de la communauté canado-ukrainienne.
Avec Florence Morin-Martel, Marco Bélair-Cirino et La Presse canadienne