Les planches qui barricadaient les commerces ont été retirées et le nuage de gaz lacrymogène qui noyait la ville s’est dissipé. A Rennes, le calme est revenu depuis cet été. De nombreux tags, hostiles aux forces de l’ordre ou pleins d’humour, viennent toutefois rappeler que la capitale bretonne a été le théâtre au printemps de violents affrontements et de scènes de chaos en marge des manifestations contre la réforme des retraites. Comme cette journée du 15 mars, la veille du déclenchement du 49.3 par la Première ministre. Après un nouveau round de mobilisation dans la rue, un groupe d’une centaine d’individus masqués avaient mené une action sauvage contre le Mama Shelter, un hôtel de luxe qui avait ouvert ses portes dix jours plus tôt place des Lices.
L’attaque avait à peine duré trois minutes mais avait été très violente. Deux agents de sécurité qui protégeaient l’entrée de l’établissement avaient essuyé un déluge de projectiles, visés par des jets de chaises et de pavés avant d’être frappés par plusieurs individus. L’un des vigiles avait reçu deux coups de marteau sur le crâne tandis que son collègue avait été blessé à l’oreille par une lame de type machette, ce qui lui avait valu onze points de suture. « Ils venaient nous massacrer, j’ai eu peur pour nos vies », avait indiqué l’un des vigiles aux enquêteurs. Dans le feu de l’action, les manifestants avaient saccagé dans la foulée l’Hôtel des Lices ainsi qu’une agence immobilière.
Le groupe Défense Collective au cœur des débats
Après les violences commises au Mama Shelter, un étudiant d’une vingtaine d’années avait été condamné mi-mai à dix mois de prison, dont cinq ferme. Ce jeudi après-midi, trois autres prévenus comparaissaient dans ce dossier devant le tribunal correctionnel de Rennes, un jeune homme né femme âgé de 23 ans et des jumeaux du même âge. Lors des perquisitions, tout l’attirail du black bloc (gants, masques, lunettes de plongée…) avait été découvert chez eux, ainsi que divers tracts appelant à la résistance ou au sabotage ou sur les consignes à adopter en garde à vue.
Autant d’éléments témoignant selon la présidente du tribunal de leur appartenance à la Défense Collective, un collectif d’ultra-gauche rennais un temps menacé de dissolution par Gérald Darmanin. Lors de l’audience, il a d’ailleurs beaucoup été question de ce fameux groupe DefCo, accusé par le ministre de l’Intérieur d’appeler « au soulèvement » et de piloter les actions violentes dans la capitale bretonne. « Ce n’est pas le procès de la DefCo, a rappelé le procureur. Mais cette entité prône un mode d’action que l’on retrouve dans ce dossier, à savoir la violence et la destruction. »
« Un envahissement festif » du Mama Shelter
A la barre, les jumeaux n’ont cessé de répéter qu’ils n’avaient rien à voir avec ces violences pour la simple raison qu’ils n’étaient « pas présents tous les deux à cette manifestation. » En épluchant des photos et des vidéos captées par des caméras de vidéosurveillance, les enquêteurs avaient pourtant réussi à les identifier. « Mais la qualité des photos est douteuse », a ironisé l’un des frères.
Le troisième prévenu n’a pas nié en revanche sa participation à la manifestation. Engagé dans le mouvement social, il voulait à la base participer à « un envahissement festif » du Mama Shelter. « On avait prévu de distribuer des tracts dans le hall pour dénoncer la hausse des loyers », a-t-il expliqué. « Mais dès que j’ai vu que le vigile portait une machette, j’ai immédiatement quitté les lieux », a-t-il ajouté, assurant ne pas avoir « assisté ni participé » aux dégradations et aux violences.
« Un dossier monté à l’envers », selon l’avocate d’un des prévenus
Selon son avocat Maître Pacheu, aucun témoin n’a d’ailleurs reconnu formellement son client. « Dans ce dossier, on ne peut pas se contenter des affirmations des enquêteurs », a-t-il plaidé. Sa consœur Maître Caro, avocate d’un des deux frères, a quant à elle dénoncé « un dossier monté à l’envers » dans lequel « on ne sait plus qui fait quoi entre les deux frères. »
A l’issue de l’audience, le principal prévenu a été reconnu coupable de violences et de dégradations et condamné à deux ans de prison avec sursis. Il devra également indemniser l’hôtel des Lices ainsi que l’agence immobilière à hauteur de 30.000 euros environ et a interdiction de manifester pendant trois ans. Les deux frères ont quant à eux écopé d’une peine de dix-huit mois de prison avec sursis.