Un producteur agricole de la région de Granby a plaidé coupable à une accusation de voie de fait contre un travailleur temporaire agricole guatémaltèque. Alain Mailloux, qui exploite depuis 1987 avec son frère la ferme R. Mailloux et fils à Saint-Paul-d’Abbotsford, écope ainsi d’un sursis de peine avec une probation d’un an, assortie du respect de plusieurs conditions, dont celles de ne pas se trouver en présence de ses ex-employés, Martin Coc et Ugo Ajpop.
Selon ce qui a été rapporté en cour, les faits remontent à l’été 2021. Lors d’une altercation verbale dans l’étable, M. Mailloux est passé à l’agression physique, en empoignant Martin Coc par le collet, sous le regard de son autre employé guatémaltèque, qui venait récemment d’être embauché dans cette ferme laitière qui exploite également des vergers.
Tenant compte de condamnations antérieures pour production de cannabis d’Alain Mailloux, la procureure et l’avocate de la défense ont fait au juge une suggestion commune, soit un sursis de peine avec une probation d’un an.
« Sans vouloir minimiser l’infraction, on ne se trouve pas dans le haut de la fourchette en matière de gravité objective et subjective et pour un individu qui n’a pas d’antécédents en la matière, c’est une peine commune », a déclaré la procureure, Rosalie Audette-Bourdeau, en marge de l’audience qui s’est tenue au palais de justice de Saint-Hyacinthe. « S’il ne respecte pas les conditions de sa sentence, on va pouvoir la révoquer pour lui en donner une autre. C’est comme une épée de Damoclès. »
À la sortie du tribunal, Martin Coc et son collègue Ugo Ajpop se sont montrés déçus de l’issue de cette affaire et de la peine qui, selon eux, ne répare pas réellement le préjudice subi. « C’est essentiellement une interdiction de contact avec nous, mais c’est déjà le cas », a dit Martin Coc, qui travaille maintenant dans une autre ferme assez éloignée de celle où il a vécu sa première expérience comme travailleur agricole étranger. « Qu’est-ce que je gagne là-dedans, moi ? Rien », a renchéri son collègue, Ugo Ajpop.
Avec l’aide du Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ), ce travailleur a également pu, comme son collègue, avoir un permis lui permettant de travailler pour une autre ferme laitière de la région. Les deux travailleurs temporaires allèguent aussi que le producteur laitier leur doit plusieurs milliers de dollars en salaire non versé.
Le RATTMAQ a indiqué au Devoir que des plaintes à l’encontre de ce producteur ont été déposées à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour harcèlement psychologique et congédiement sans raison juste et suffisante. Les dossiers seraient toujours en cours.
D’autres infractions pour cette ferme
Depuis mai 2022, la ferme R. Mailloux et fils est sur la liste des employeurs non conformes du gouvernement fédéral, un registre qui vise les entreprises embauchant des employés dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires ou du Programme de mobilité internationale.
La ferme de Saint-Paul-d’Abbotsford s’y trouve pour trois raisons, notamment avoir enfreint les lois fédérales, provinciales ou territoriales sur le recrutement et l’embauche, avoir failli à offrir un milieu de travail exempt de mauvais traitement, d’agression sexuelle, de violence psychologique, d’exploitation financière et de représailles et avoir offert un salaire et des conditions de travail qui ne respectaient pas l’offre d’emploi.
Selon le registre, la ferme R. Mailloux et fils a une sanction pécuniaire impayée de 36 000 $ et elle demeure non admissible à l’embauche de travailleurs étrangers.