Les caribous de la Gaspésie sont au seuil de la disparition, et des braconniers ont abattu le mois dernier une des dernières femelles de cette population d’environ 30 bêtes. Le gouvernement n’a pas voulu s’avancer lundi sur d’éventuelles mesures de protection visant à prévenir l’extinction du cheptel, tout en réitérant que la « stratégie » de protection des caribous sera déposée sous peu.
Selon les informations publiées lundi par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), des agents de protection de la faune ont saisi de la viande de ce caribou et ont rencontré des « suspects » qui auraient abattu l’animal.
Le caribou tué était porteur d’un collier télémétrique. « Il s’agit de l’une des femelles capturées et mises en enclos à l’hiver 2023. Elle a été libérée avec les autres femelles à la fin du mois d’août après les recommandations d’un comité scientifique consultatif externe », précise le ministère dans son communiqué.
La Protection de la faune du Québec « assure un suivi serré de ce dossier et les agents de protection de la faune prendront tous les moyens à leur disposition pour ce faire », ajoute le MELCCFP.
Est-ce que le gouvernement a l’intention de renforcer les mesures de protection des caribous de la Gaspésie, qui passent une partie de l’année en dehors du territoire protégé du parc national de la Gaspésie ? « Le dépôt de la stratégie caribous est prévu prochainement », a simplement répondu le cabinet du ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette.
Aucun faon
Cet abattage d’une des dernières femelles des caribous de la Gaspésie est une mauvaise nouvelle supplémentaire pour cette population. En plus de cette femelle victime de braconnage, une autre est morte plus tôt cette année dans l’enclos mis en place par les autorités pour tenter de faciliter la mise bas et la protection des faons.
Au printemps dernier, six femelles ont en effet été capturées et placées dans un enclos pour que les naissances se passent en captivité, afin de réduire les décès de faons. Mais le bilan a finalement été de zéro faon.
Les caribous montagnards de la Gaspésie, qui constituent la dernière population de l’espèce au sud du Saint-Laurent, ne sont pas plus de 32 à 36 bêtes, selon le plus récent inventaire publié par le gouvernement du Québec. En 2019, leur cheptel en déclin était évalué à 40 bêtes, alors que les inventaires publiés à partir de données de 2017 signalaient la présence d’environ 75 bêtes.
Selon les experts du gouvernement, « le taux de recrutement », soit la présence de faons, ne leur « permet pas de considérer la population comme stable ». Résultat : « la population de caribous montagnards de la Gaspésie subsiste dans un contexte de grande précarité en raison de la faible taille des groupes fréquentant les trois secteurs, du faible taux de recrutement et du peu d’échanges entre ces groupes ». Les trois secteurs en question sont les monts McGerrigle, Albert et Logan, soit ceux où on trouve les caribous dans le parc.
« Mesures de protection »
Réagissant à l’annonce du braconnage d’une femelle caribou, Nature Québec a déploré une situation qui ajoute aux menaces anthropiques qui pèsent sur l’espèce, dont le dérangement et la destruction de son habitat en dehors des limites du parc national de la Gaspésie.
Concrètement, les coupes forestières, en plus de détruire les vieilles forêts nécessaires à l’alimentation des caribous, facilitent l’arrivée des prédateurs, ce qui a notamment pour effet d’augmenter la mortalité des jeunes caribous.
« Le caribou montagnard de la Gaspésie est si fragile que chaque individu qui meurt peut entraîner la disparition de cette population, surtout s’il s’agit d’une femelle. Cet acte de braconnage rapproche donc un peu plus la population de l’extinction. Nous espérons que le gouvernement fera tout en son pouvoir pour que cette situation ne se reproduise pas », a souligné Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec.
« Nous souhaitons aussi que des mesures de protection ambitieuses et basées sur la science soient rapidement mises en oeuvre par les gouvernements fédéral et provincial », a-t-elle ajouté, en répétant l’appel lancé au gouvernement du Québec pour qu’il présente sa stratégie de protection de l’espèce, qui a été repoussée à plusieurs reprises au cours des dernières années.