L’organisation d’une « English Week 2023 » [semaine de l’anglais 2023] au cégep Garneau, dans la ville de Québec, fait sursauter des groupes de défense du français, qui invitent à la résistance face à ce type d’activité et qui estiment qu’il devrait y avoir « un rappel à l’ordre ».
« Du 11 au 15 septembre, dans le cadre de l’English Week 2023, le Département des langues invite toute la communauté du cégep Garneau à parler en anglais », peut-on lire sur le site du cégep.
« Ne soyez donc pas surpris si votre prof inclut de l’anglais à son cours ou si vous entendez des gens parler en anglais autour de vous, poursuit-on. L’important, c’est de s’amuser… en anglais ! »
Le concept fait bondir Jean-Paul Perreault, président de l’organisme Impératif français. « Un rappel à l’ordre s’impose », lance-t-il, affirmant que « l’anglomanie s’implante ». « Le marché du travail et tout l’espace public ont désespérément besoin de compétences, de savoirs, de personnel qui franciseront les milieux de travail, croit-il. Et non le contraire, de valoriser, de surcroît, par des activités de promotion et valorisation, la langue et la culture qui les effacent. »
Il y voit une ironie, considérant que le Cégep tire son nom de l’historien, poète, notaire et greffier de la Ville de Québec François-Xavier Garneau, qui fut un moteur de la promotion de la culture d’expression française et qui a été désigné personnage historique par le gouvernement du Québec.
On ne se contente plus de simplement enseigner l’anglais langue seconde, c’est rendu qu’on enseigne « l’anglais langue commune, langue normale.
« C’est un symbole très parlant de notre rapport à l’anglais », croit de son côté Maxime Laporte, président du Mouvement Québec français. On ne se contente plus de simplement enseigner l’anglais langue seconde, c’est rendu qu’on enseigne l’anglais langue commune, langue normale. »
« À l’évidence, la priorité devrait être ailleurs », poursuit celui qui s’inquiète pour la jeune génération. Dans sa plus récente analyse du recensement, Statistique Canada indiquait que le taux de bilinguisme anglais-français était en hausse au Québec, et que le poids du français avait diminué entre 2016 et 2021 dans la province.
« On aurait plutôt intérêt à miser sur la promotion du français et la littérature de langue française, et en particulier l’excellence en français écrit, souligne Maxime Laporte. J’invite les étudiants à résister à ce type d’exercice de promotion linguistique. Pourquoi ne pas organiser, par exemple, une semaine dédiée à la littérature décoloniale ? »
Un cégep résolument francophone
De son côté, le Cégep Garneau insiste sur le fait que tous ses cours sont donnés en français, à l’exception des cours de langue, et que le cégep, résolument francophone, « valorise et promeut de diverses façons la langue française ». Toutes les communications sont en français, ainsi que les activités, affirme-t-on.
« Le Cégep Garneau remplit les mandats qui lui sont confiés par le ministère de l’Enseignement supérieur. Parmi ceux-ci, celui de développer les compétences prescrites par les devis ministériels, écrit-on dans un courriel envoyé au Devoir. Ainsi, à travers différentes activités, le Cégep contribue, par exemple, à développer les compétences en anglais. C’est ce qui se fait à travers la English week ».
D’autres événements thématiques sont organisés au cours de l’année dont la Semaine de la philo, la Tempête des sciences et le colloque Sciences humaines en action, précise le Cégep. On prend le soin de préciser qu’il y a une activité dédiée à la valorisation de la culture francophone qui se nomme « L’espace du français ». « Plusieurs autres activités et actions sont mises en place pour promouvoir le français au Cégep Garneau », insiste-t-on.
La ministre de l’Enseignement supérieur du Québec devrait intervenir face à cette situation, pense néanmoins Impératif français. « Ce ne sont pas sûrement l’anglais et la culture anglo-saxonne qui ont besoin d’étendre leur pouvoir, prestige ou suprémacisme au Québec, croit Jean-Paul Perreault. Au point de voir les cégeps supposément de “langue française”, ici Garneau, en faire la promotion et la valorisation ».
Invitée à commenter, l’Association étudiante du Cégep Garneau indique par écrit ne pas avoir de position concernant l’activité « English Week ». « Cependant, nous invitons la population étudiante à nous faire part de leurs commentaires face à cette situation et nous sommes ouverts à en discuter avec eux », mentionne la coordonnatrice adjointe, Manouka Roy.