Après sept mois de guerre, le Soudan face à un risque d’éclatement

Sept mois de guerre entre généraux rivaux au Soudan ont entraîné des milliers de morts et des millions de déplacés et font planer le risque d’une désintégration du pays, déjà fragilisé avant le déclenchement des hostilités.

Alors que les troupes paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) poursuivent leur offensive brutale dans la région du Darfour, les experts redoutent un « scénario libyen », en référence à la crise politique inextricable qui secoue ce pays d’Afrique du Nord voisin du Soudan, où deux gouvernements se disputent le pouvoir, l’un établi dans l’ouest et l’autre dans l’est.

Au Soudan, les FSR, qui contrôlent désormais la majeure partie de la capitale, Khartoum, ont réalisé des avancées fulgurantes au Darfour. Dans le même temps, le gouvernement et les dirigeants de l’armée ont quitté la capitale pour se replier dans la ville de Port-Soudan, épargnée par les affrontements, ce qui vient exacerber les craintes d’un éclatement du pays.

« La poursuite des combats pourrait conduire à des scénarios terrifiants, dont la division », soutient Omar Youssef, porte-parole des Forces de la liberté et du changement, le bloc civil évincé du pouvoir lors du putsch mené en 2021 par les deux généraux alors alliés et aujourd’hui en guerre.

« La vague croissante de militarisation [des civils] aggrave les fissures sociales », ajoute-t-il à l’Agence France-Presse.

À la table des négociations, les deux camps, incapables de prendre un avantage décisif, n’entendent guère faire de concessions, comme l’a à nouveau démontré l’échec début novembre des pourparlers parrainés par les États-Unis et l’Arabie saoudite, laissant craindre une fragmentation du pays en cas de prolongation du statu quo.

L’incapacité de parvenir à une solution politique pourrait en effet conduire à une situation comparable à celle de la Libye, plongée dans une crise politique majeure depuis la révolte de 2011, avec « plus d’un gouvernement, sans réelle efficacité ni reconnaissance internationale », décrypte Fayez al-Salik, analyste politique et journaliste.

Offensive au Darfour

Le conflit déclenché le 15 avril entre le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, a fait plus de 10 000 morts, selon une estimation de l’ONG Armed Conflict Location & Event Data Project, considérée comme largement sous-évaluée.

Il a également déplacé plus de six millions de personnes et détruit la plupart des infrastructures.

 

Début novembre, de nouveaux massacres ont été signalés après une offensive de grande ampleur menée par les FSR au Darfour, où les miliciens ont rapidement revendiqué la prise de contrôle des bases de l’armée dans presque toutes les grandes villes de la région.

Dans la seule ville d’Ardamata, des centaines de personnes auraient été tuées par des groupes armés, qui ont forcé plus de 8000 personnes à fuir vers le Tchad voisin en une semaine, selon l’ONU.

L’Union européenne s’est dite « atterrée » face aux « plus de 1000 morts » faits en deux jours à Ardamata, et fait une mise en garde contre un possible « nettoyage ethnique ».

Depuis le début de la guerre, l’ONU a recensé plus de 1,5 million de déplacés internes au Darfour, région grande comme la France où vit un quart des 48 millions de Soudanais.

Pas de gagnant

 

Si le général Daglo peut compter sur le soutien d’alliés de poids, au premier rang desquels les Émirats arabes unis, le général Burhane conserve son rôle de chef d’État de facto sur la scène internationale, participant régulièrement aux sommets de l’ONU et de la Ligue arabe.

Sur le terrain, toutefois, la progression effrénée des FSR au Darfour « leur donne un avantage et leur permet de se déplacer au sein de leur base », d’après M. Salik, qui fait ainsi référence aux tribus arabes.

Ce sont des miliciens arabes, les Janjawids, qui forment le gros des troupes des FSR. Ils avaient mené dans les années 2000, sous le commandement du général Daglo, la politique de la terre brûlée au Darfour, commettant du pillage et des viols et tuant des membres d’ethnies non arabes pour le compte du dictateur déchu Omar el-Béchir.

Malgré l’avancée des troupes paramilitaires au Darfour, les chances que l’une ou l’autre des parties remporte une victoire décisive restent minces, estime un expert militaire s’exprimant auprès de l’Agence France-Presse sous couvert d’anonymat.

Selon lui, « même si [l’armée] parvient à reprendre le contrôle de Khartoum, ce qui s’annonce très ardu, envoyer des troupes pour reprendre les zones du Darfour contrôlées par les FSR représente un énorme défi logistique », comme plus de 1400 kilomètres séparent Khartoum de la ville d’El-Geneina, située à la frontière du Tchad.

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