Cap sur le virage numérique pour l’achat de titres de transport

Quinze ans après son lancement à Québec et à Montréal, la carte Opus a fait son temps. À l’ère des transactions dématérialisées, le système commence à faire figure de dinosaure. C’est pourquoi l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) s’active avec les sociétés de transport de la région à mettre en place des solutions technologiques qui commenceront à se déployer à compter de l’an prochain.

Faire la file le 1er du mois à une machine distributrice de titres sera bientôt chose du passé. Au début de 2024, il sera possible de recharger sa carte Opus par l’entremise d’un téléphone intelligent.

Progressivement, d’ici la fin de 2026, d’autres mesures seront déployées pour moderniser le système de paiement des titres. Fin 2024, plusieurs stations du Réseau express métropolitain (REM) et du métro ainsi que des lignes de bus de la couronne nord permettront le paiement par carte de crédit ou de débit, ce que les usagers de la Société de transport de Laval (STL) peuvent faire depuis des années. La Société de transport de Montréal (STM) a d’ailleurs entrepris d’installer dans les stations de métro et les autobus des équipements compatibles pour le paiement sans contact.

 

Puis, en 2025, il sera possible de créer un compte de mobilité sur un téléphone intelligent, ce qui éliminera les problèmes liés à la cohabitation des différents titres.

Le plan d’affaires du Projet numérique de mobilité, entériné par le conseil d’administration de l’ARTM, estime à 162 millions de dollars le coût de mise en plan du plan d’ici 2028. L’ARTM s’attend toutefois à ce que la nouvelle technologie entraîne une hausse de l’achalandage et des revenus supplémentaires de plus de 360 millions entre 2024 et 2035 avec des coûts d’exploitation de 140 millions. Elle compte notamment sur l’adhésion des usagers occasionnels et sporadiques pour faire des gains en cette matière.

De l’aveu même de l’ARTM, le système derrière la carte Opus « accuse un retard technologique considérable ». Mais pourquoi la modernisation du système de paiement prend-elle autant de temps ?

Le directeur général de l’ARTM, Benoît Gendron, soutient que la pandémie a nui à l’avancement du projet. « Pendant la pandémie, c’était plus ou moins le moment de lancer des projets avec la baisse drastique d’achalandage », soutient-il. « On avait la tête occupée à voir comment on arrimait les finances. » Il signale par ailleurs que l’implantation de tels systèmes est un travail de longue haleine. Paris a débuté le déploiement de son plan en 2012 et celui-ci sera finalisé en 2024, souligne-t-il.

L’ARTM affirme toutefois que le projet est bien en selle avec l’équipe « Concerto », qui regroupe des représentants des trois sociétés de transport de la région métropolitaine, Exo et la Ville de Montréal. D’autres sociétés de transport au Québec, qui opèrent déjà le système Opus, devraient par la suite adhérer au nouveau système.

Mais le chemin a été plutôt raboteux jusqu’à maintenant. En septembre dernier, La Presse rapportait que le projet baptisé « Céleste », annoncé par la STM en 2018, avait été contrecarré par l’ARTM l’année suivante et que la collaboration entre les organismes faisait défaut. Céleste visait la création d’un compte client avec un accès à plusieurs modes de transport ainsi qu’un paiement facilité avec des cartes bancaires.

L’ARTM assure toutefois que les sociétés de transport sont maintenant mobilisées autour d’un projet commun et que les usagers devraient voir les fruits de ce travail dès l’an prochain.

 

Iniquités

Reste que le virage technologique ne réglera pas un irritant qui exaspère particulièrement les usagers de la Rive-Sud, soit le système de zones qui fait en sorte qu’un résident de Longueuil paiera plus cher pour parcourir 4 kilomètres qu’un résident de Pointe-aux-Trembles qui doit franchir quelque 20 kilomètres.

« C’est toujours illogique. Puis ça va le devenir encore plus quand le REM va arriver dans l’ouest de l’île », fait remarquer Axel Fournier, de l’Association pour le transport collectif de la Rive-Sud. « Je comprends que c’est politique. La Ville de Montréal a un contrôle très fort sur ce qui se passe à l’ARTM, trop fort même, parce que les préoccupations des gens des couronnes ne sont pas vraiment entendues. »

Au moins, les changements technologiques permettront de faire cohabiter plusieurs titres sur une même carte Opus. À l’heure actuelle, un usager muni de titres de zone A doit s’acheter une autre carte Opus pour y mettre des titres de la zone AB. M. Fournier a deux cartes Opus. « Mais je connais des gens qui en ont quatre. »

Professeur titulaire à Polytechnique Montréal, Martin Trépanier convient que ce système de zones n’est pas a priori équitable, mais qu’un modèle de tarification selon la distance parcourue nécessiterait l’ajout coûteux d’équipements de validation à la sortie. « C’est une notion d’historique. À Hong Kong, ils ont mis ça en place dès le départ. En Australie, ça fait partie des moeurs et les gens paient à la distance », dit-il en signalant que dans certains pays, les usagers reçoivent une facture à la fin du mois et que le système calcule pour eux le tarif le plus avantageux. « Mais dans la région de Montréal, on a décidé que ça ne fonctionnait pas comme ça. »

Benoît Gendron fait valoir que dans le cadre des travaux de refonte de la grille tarifaire de 2020, la clientèle sondée privilégiait le système de zones. « La tarification selon la distance kilométrique, ça existe en Europe, mais ici, les gens se retrouvaient davantage en fonction des territoires. »

La technologie continue toutefois d’évoluer rapidement. Cofondateur et président de Transit, Samuel Vermette indique qu’avec les portefeuilles numériques, il ne serait plus requis de créer un système basé sur le compte client. « Le projet que l’ARTM essaie de mettre en place, c’est un projet gigantesque. À l’intérieur de ça, il y a le paiement par carte bancaire », résume-t-il, tout en se montrant optimiste pour la suite malgré les délais.

Selon lui toutefois, bien que l’enjeu du virage technologique soit important, le maintien de l’offre de service demeure la préoccupation centrale dans le contexte où les sociétés de transport sont aux prises avec des déficits importants.

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