Commission Grenier: Le DGEQ craint un scénario à la Jean Charest

Le Directeur général des élections (DGE) craint que la divulgation des documents d’une enquête sur le financement du camp du Non, lors du référendum de 1995, suscite le même type de poursuite judiciaire qui a permis à l’ex-premier ministre Jean Charest d’obtenir du gouvernement un dédommagement de 350 000 $ en raison des fuites médiatiques reliées à des enquêtes de l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

Dans une lettre transmise début septembre à l’Assemblée nationale, dont les élus ont réclamé ces documents, Jean-François Blanchet réfère directement à une récente décision de la Cour supérieure rendue en faveur de M. Charest à la suite de la diffusion de ses renseignements personnels.

« Il m’importe de vous référer à une récente décision judiciaire par laquelle le Procureur général du Québec a été condamné à payer 350 000 $ en dommages précisément en raison de la divulgation de renseignements personnels recueillis par un organisme public dans le cadre d’une enquête », écrit le DGEQ.

La Cour supérieure conclut que la divulgation publique de renseignements personnels contenus dans un dossier d’enquête constitue un acte illicite engageant la responsabilité de l’organisme public et de l’État québécois, rappelle M. Blanchet.

« Selon la jurisprudence qui a été portée à ma connaissance, il appert que même un ordre de l’Assemblée nationale ne permettrait pas d’immuniser l’institution que je représente face à d’éventuelles poursuites », affirme-t-il dans le document daté du 8 septembre.

Cette lettre fait partie d’une série d’échanges épistolaires entre l’Assemblée nationale et le DGEQ, qui ont été rendus publics mardi.

Préjudices

M. Blanchet y affirme notamment qu’il est confronté à une impasse après avoir examiné les 40 000 documents de la Commission Grenier et exprime le souhait de rencontrer les élus pour leur exposer la situation.

« Notre analyse du contenu desdits documents confirme qu’ils contiennent des renseignements dont la divulgation serait susceptible de causer des préjudices à des tiers, notamment par l’atteinte à leurs réputations ou à leurs vies privées », soutient le DGE.

Les différents partis représentés à l’Assemblée nationale ont accepté cette semaine de le rencontrer mais aucune date n’est encore connue.

En mai et en juin, les députés de tous les partis de l’Assemblée nationale ont adopté des résolutions demandant au DGE « de divulguer et rendre publics tous les témoignages et documents de la Commission Grenier dans les plus brefs délais ».

En 2006, le DGE avait mandaté le juge Bernard Grenier pour faire la lumière sur les révélations d’un livre concernant le financement des activités du camp du Non durant le référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec.

Dans un rapport déposé en 2007, le juge Grenier a conclu que 539 460 $ avaient été dépensés illégalement pendant la campagne référendaire par deux organismes fédéralistes, Option Canada et le Conseil de l’unité canadienne. Il ordonnait aussi que tous les documents recueillis par sa commission demeurent secrets. Il a toutefois laissé au DGE la liberté de juger si ces éléments peuvent être communiqués à des tiers.

Jurisconsulte

Mercredi, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a jugé anormal que le DGE exprime ses craintes en ces termes plus de trois mois après la demande des élus.

« Il y a peut-être des considérations qu’on a mal comprises de notre côté, a-t-il dit en point de presse. Si le DGE veut nous rencontrer, je vais attendre cette rencontre avant de procéder au niveau des autres moyens dont on dispose pour s’assurer que les Québécois aient l’entière vérité. »

M. St-Pierre Plamondon a évoqué la possibilité de soumettre la question à un jurisconsulte qui serait chargé d’établir quels documents ou informations peuvent être rendus publics.

« Le Directeur général des élections n’est pas un tribunal, il n’est pas une Assemblée nationale non plus. Donc, il ne peut pas, de son propre chef, en étant juge et partie, décider de ce qu’il va caviarder », a-t-il dit.

Le ministre responsable des Institutions démocratiques, Jean-François Roberge, a pour sa part accusé le Parti québécois de polariser la question. Il a notamment reproché au député péquiste Pascal Bérubé de ne pas avoir répondu assez rapidement à une invitation à discuter du dossier, contrairement à ses collègues de Québec solidaire et du Parti libéral du Québec.

« J’aimerais ça qu’on travaille en collégialité et en collaboration, tous les partis, a-t-il dit. Hier soit j’ai communiqué avec les Sol Zanetti, avec Monsef Derraji. J’ai essayé de rejoindre Pascal Bérubé et ça a été très, très, très difficile. »

M. Bérubé a objecté que les élus péquistes ne sont que trois. « On est que trois, on n’a pas le temps de faire tout ce qu’on a à faire. Il se peut que je n’aie pas eu le temps de le rappeler », a-t-il expliqué.

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