et si le premier film de Sofia Coppola restait son meilleur ?

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En 1966, James Brown chantait This is a man’s world. Plus de trente ans après, Sofia Coppola a tenu à confirmer au moyen de son Virgin suicides que ce monde ne serait effectivement rien sans les femmes (bon… et Kirsten Dunst aussi).

La mort d’une belle femme est, incontestablement, le sujet le plus poétique qui soit“, écrivait gaillardement Edgar Allan Poe en 1846. Si de tels propos ont bien entendu de quoi indigner le lecteur contemporain, ce n’est guère l’Histoire de l’art qui lui donnera tort. Aux quatre coins du monde, les sociétés semblent effectivement nourrir une fascination gentiment macabre envers les jeunes femmes aux destins tragiques.

D’Ophélie à Juliette, en passant par Blanche-Neige, le Dahlia noir et, plus sinistre encore, la célèbre « inconnue de la Seine » (on laissera au lecteur le plaisir de rechercher par lui-même de quoi il en retourne), il semblerait que le féminin inspire principalement lorsqu’il nourrit les fantasmes d’un regard. Une idée que Virgin Suicide semble initialement perpétuer en embrassant le point de vue de quatre jeunes garçons obnubilés par leurs voisines d’antan, les soeurs Lisbon, mais qu’une toute jeune Sofia Coppola enraye justement en s’appliquant à remettre ce regard en perspective.

 

 

girls next door

Il suffit de mentionner le premier long-métrage de Sofia Coppola pour que s’imposent à l’esprit les cheveux blonds et le teint diaphane de Kirsten Dunst – un motif synonyme de féminité qui se retrouvera dans d’autres films de la cinéaste. Néanmoins, l’omniprésence de la jeune fille et de ses soeurs est moins le point d’entrée de ce récit que son objet. Adapté du roman homonyme de Jeffrey Eugenides, Virgin Suicides est avant tout le déploiement d’un regard ; celui d’un “nous”, pronom pluriel aussi bien employé dans le livre que la voix off de Giovanni Ribisi, encapsulant la narration simultanée des quatre protagonistes masculins. 

Initialement le sujet de commérages (suite à la première tentative de suicide de la benjamine de la fratrie), les soeurs Lisbon sont tour à tour introduites au spectateur par le truchement d’un point de vue masculin prépubère (donc régi par le tourbillon hormonal propre à l’adolescence). Un parti-pris qu’a justement tenu à saluer la cinéaste, charmée par la figuration sensible et nuancée de cette étape charnière de l’expérience humaine. Lors d’un entretien accordé à The Guardian en 2018, Coppola confiait ainsi avoir découvert le livre à l’aune de sa vingtaine : 

 

Virgin suicides : photo, Kirsten Dunst, A.J. Cook, Leslie Hayman, Chelse SwainLa revanche des blondes

 

“Je me souviens être tombée sur la couverture – c’était un faisceau de cheveux blonds. Je l’ai lu et j’ai été subjuguée. J’ai eu la sensation que l’auteur avait réellement saisi l’essence de l’adolescence ; le désir, la langueur, le mystère des relations entre filles et garçons… J’ai adoré que ces derniers soient troublés de la sorte par les soeurs”.

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