Justin Trudeau lance une flèche à l’élite politique haïtienne, à l’issue du sommet des dirigeants des Caraïbes

Le premier ministre Justin Trudeau encourage la communauté internationale à cibler la classe politique haïtienne avant qu’une crise des gangs criminels ne déstabilise davantage les Caraïbes.

Pendant ce temps, les dirigeants de la région font pression pour accroître les investissements privés canadiens dans les Antilles.

M. Trudeau a déclaré jeudi aux journalistes qu’« à l’heure actuelle, il n’y avait même pas de consensus au sein de la classe politique haïtienne sur la question de savoir si quelqu’un devrait intervenir ou non pour empêcher les gens d’être tués, assassinés et violés ».

Le premier ministre s’exprimait à la clôture d’un sommet de deux jours à Ottawa des dirigeants des pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour discuter de la coopération canadienne dans cette région.

M. Trudeau avait invité les membres du CARICOM à Ottawa pour discuter de divers sujets, notamment le changement climatique et la réforme des institutions financières mondiales.

Mais c’est la crise en Haïti qui a dominé ce sommet, alors que le Canada appelle depuis un an à la fin des violences, des agressions sexuelles et de la crise alimentaire dans ce pays, où le mandat de tous les élus est maintenant expiré.

Le Kenya s’apprête à diriger une intervention militaire, approuvée ce mois-ci par le Conseil de sécurité des Nations unies, pour mettre fin à la violence des gangs criminels, qui règnent sans foi ni loi dans les rues d’Haïti. Les responsables canadiens affirment que la Gendarmerie royale du Canada enverra probablement des policiers, tandis que le pays s’efforce d’aider Haïti à maintenir une stabilité après la fin de cette intervention.

Le premier ministre de Trinité-et-Tobago, Keith Rowley, a déclaré que les dirigeants de la CARICOM étaient sensibles aux craintes que leur soutien à Haïti soit confondu avec le soutien d’un « arrangement de gouvernement minoritaire ».

Il est crucial, selon lui, que la CARICOM et le Canada soient perçus comme « des intermédiaires honnêtes, et non comme soutenant ce qui existe à perpétuité – ce qui en soi constitue un danger ».

Appel à un partage du pouvoir

Le pays est dirigé par le premier ministre haïtien Ariel Henry depuis août 2021, date à laquelle il a pris ses fonctions sans avoir été élu, à la suite de l’assassinat du président Jovenel Moïse le mois précédent.

Mercredi, le cabinet du premier ministre Trudeau avait publiquement fait pression sur M. Henry pour qu’il travaille avec ses opposants politiques, en publiant une déclaration évoquant le besoin urgent d’un accord de partage du pouvoir avec les groupes d’opposition.

M. Trudeau n’a pas voulu préciser jeudi si Ariel Henry était devenu un obstacle à l’établissement de la sécurité en Haïti, ni si les réunions de cette semaine l’ont convaincu de travailler davantage avec ses opposants.

« Cela fait 30 ans que le Canada est là pour aider le peuple haïtien, a-t-il déclaré sur un ton passionné. Malheureusement, au cours de ces 30 années, nous n’avons pas réussi à résoudre la situation. Et la réalité est que ce n’est pas à la communauté internationale de résoudre la situation pour Haïti. »

M. Trudeau a soutenu que les Haïtiens devaient être habilités à résoudre eux-mêmes les problèmes, ce qui implique, selon lui, que davantage de pays ciblent des élites corrompues qui ont permis aux gangs criminels de prospérer. Il a ajouté que le Canada aidera toujours Haïti.

Travailleurs étrangers temporaires

Le premier ministre a également annoncé jeudi que le Canada créait un nouveau programme de travailleurs temporaires pour l’industrie de la pêche.

Ce dossier faisait partie d’une discussion de jeudi sur les opportunités d’investissements canadiens dans les pays des Caraïbes, ainsi que sur la stimulation du commerce.

M. Trudeau a déclaré que les industries canadiennes peuvent s’associer aux pays de la région pour les infrastructures vertes, « l’agriculture intelligente » et les énergies renouvelables.

Le président du Guyana, Irfaan Ali, a déclaré que des pays comme le sien souhaiteraient que les entreprises canadiennes soient « plus audacieuses » en investissant dans d’autres industries que la seule extraction minière et pétrolière.

« Nous voulons que le secteur privé canadien vienne participer à cette opportunité, en dehors des domaines d’investissement traditionnels », a-t-il déclaré jeudi.

Tout au long du sommet d’Ottawa, les dirigeants des Caraïbes ont souvent salué le rôle traditionnel du Canada dans la transmission des préoccupations de la région lors d’autres forums internationaux.

Mercredi, la première ministre de la Barbade, Mia Mottley, a exhorté M. Trudeau à « nous aider à dire la vérité aux grands décideurs » en convainquant certains pays, non identifiés, de cesser d’empêcher une réforme des institutions financières mondiales.

Les dirigeants ont fait valoir qu’ils étaient économiquement dévastés par les grands ouragans, mais qu’ils n’étaient pas en mesure de se permettre des infrastructures capables de résister à de telles tempêtes, car ils sont désormais trop « riches » pour avoir droit à des prêts destinés aux plus pauvres du monde.

De nombreux dirigeants ont loué le leadership du Canada en matière d’aide au développement, alors que les pays des Caraïbes ont accédé à l’indépendance dans les années 1960, ainsi que le rôle continu d’Ottawa dans la gouvernance de la Banque de développement des Caraïbes.

Le Canada accueillera la réunion annuelle du conseil d’administration de cette banque l’année prochaine, et des réunions sont prévues entre les dirigeants canadiens et caribéens dans les mois à venir.

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