La CSN déplore l’absence de projets structurants pour le Québec

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme

L’automne 2023 a commencé en lion dans le milieu syndical québécois. Les principales centrales représentant le secteur public font front commun pour obtenir de meilleures conditions de travail, alors que l’inflation galopante, la pénurie de main-d’oeuvre, la crise du logement et les conséquences désastreuses des changements climatiques font rage. Mais où sont les grands projets de société pour que le Québec se sorte de ces conjectures paralysantes la tête haute ? se demande Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Chaque époque comporte son lot de défis. Mais pour Caroline Senneville, celle que nous traversons actuellement entraîne le Québec vers la croisée des chemins… et plus tôt que tard.

« La robotisation, l’intelligence artificielle, la transformation économique pour s’adapter aux changements climatiques et réduire nos émissions de gaz à effet de serre… et en plus, le contexte mondial qui s’est complexifié avec ce qui se passe au Proche-Orient », énumère d’emblée la présidente de la CSN, jointe au téléphone.

« Quand on additionne tout ça, on vit des changements économiques et sociaux comme ça faisait longtemps qu’on n’en avait pas vu ! » ajoute-t-elle.

Pourtant, le gouvernement caquiste ne semble pas avoir de plan global pour faire avancer le Québec à un rythme soutenu, s’inquiète la syndicaliste.

« On ne sent pas de direction ni de plan de match d’ensemble, déplore Mme Senneville. On aimerait qu’il y ait une vision à 360 degrés qui prendrait en compte le fait que quand on touche à un élément, ça peut avoir un impact ailleurs. Actuellement, on est plutôt dans une logique d’action-réaction. »

L’industrie des batteries

Il y a la fameuse filière batterie, un essaim de projets ambitieux pour lesquels les gouvernements provincial et fédéral multiplient les annonces depuis plusieurs mois — la dernière en date étant celle de l’installation de la méga-usine du géant suédois Northvolt en Montérégie, un projet de 7 milliards de dollars qui devrait créer 4000 emplois.

« Une des caractéristiques de notre économie, c’est que nous avons beaucoup de petites et moyennes entreprises (PME), rappelle Mme Senneville. Il faut aussi les soutenir. Des PME, ça vient avec une vitalité des régions, avec une diversification et une résilience de l’économie. »

La présidente de la CSN s’inquiète de tous les millions que Québec et Ottawa injectent dans des entreprises étrangères, et des conséquences de ces mégaprojets sur l’environnement.

« La différence entre un planet une liste d’épicerie »

Un autre gros problème qui frappe le Québec de plein fouet est la pénurie de main-d’oeuvre, bien sûr. En santé, en éducation, au sein des services sociaux…

Le gouvernement Legault propose des solutions, admet Mme Senneville, mais à la pièce… comme offrir une formation accélérée pour attirer plus de préposés aux bénéficiaires à court terme.

« C’est un manque de vision, tranche la syndicaliste. Comment on agit pour prévenir les problèmes ? Non seulement ça nous prend une vision pour les régler, mais est-ce qu’on peut aussi s’organiser pour qu’il y en ait moins ? »

La présidente de la CSN cite en exemple deux initiatives majeures qui ont transformé le Québec, selon elle : la création des centres de la petite enfance (CPE), en 1997, et du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), en 2006, « qui ont permis aux femmes de participer davantage au marché du travail et ont fait augmenter le PIB du Québec ».

Donc, ça nous prend de gros projets de société comme ceux-là ?

« C’est pas juste d’en avoir des gros, l’important, nuance-t-elle. Une petite mesure peut avoir aussi de l’impact. C’est la différence entre avoir un plan et une liste d’épicerie. C’est bien beau avoir une liste, mais ça demande d’autres étapes : planifier un menu, l’exécuter. Oui, on a des listes, mais le véritable plan d’action intégré, on ne le sent pas. »

Le contexte mondial explosif, le besoin de projets structurants pour le Québec… tout cela se déroule aussi dans une période de négociations assez intense pour la CSN qui, avec les autres principaux syndicats, représentant les travailleurs du secteur public, forment un front commun pour exiger de meilleures conditions de travail pour leurs 420 000 membres, dont la convention collective est échue depuis le 31 mars dernier.

Pourtant, après une vingtaine de minutes d’entrevue, la présidente de la CSN n’a toujours pas abordé la question.

« Si j’avais commencé par le secteur public, j’aurais fait la même chose que je reproche au gouvernement, c’est-à-dire de ne pas voir le big picture », ironise-t-elle.

Les négociations sont plutôt difficiles, en ce moment. « Si on doit passer par la grève, on va le faire », rappelle Mme Senneville, alors que déjà, l’appui au mandat de grève se situe entre 90 % et 95 %, selon la CSN.

« Mais au-delà de ça, c’est quoi le plan de match qu’on se donne pour le secteur public ? On ne peut pas juste voguer de période de négociation en période de négociation. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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