Le bégaiement de l’Histoire avec le Parti québécois

En 1976, les Québécois ont décidé de confier les rênes du gouvernement au Parti québécois (PQ), qui s’était engagé à tenir un référendum dans un premier mandat, même si une majorité d’entre eux savaient sans doute qu’ils voteraient « non ».

Le PQ partait de loin. Trois ans plus tôt, les libéraux de Robert Bourassa avaient fait élire 102 députés sur 110. Il est vrai que les distorsions engendrées par le mode de scrutin avaient été particulièrement aiguës. Avec 30 % des voix, le PQ aurait mérité mieux que six députés. De là à le voir dans l’antichambre du pouvoir, c’était une autre affaire.

Ce serait Marx qui a dit : « L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie. » Cela revient pratiquement au même. Au rythme où augmentent les intentions de vote du PQ, une victoire à l’élection de 2026 constitue une hypothèse qui doit être envisagée, même si beaucoup d’eau va couler sous les ponts d’ici là.

Les libéraux de 1976 et la Coalition avenir Québec de 2026 auront en commun d’avoir fait deux mandats. On ne peut pas dire du premier ministre Legault qu’il est « l’homme le plus détesté au Québec », comme on le disait jadis de M. Bourassa, mais la chute de sa popularité n’en est pas moins vertigineuse.

Bien sûr, Paul St-Pierre Plamondon n’est pas René Lévesque, qui était déjà un héros bien avant de devenir premier ministre, mais on a moins voté pour Lévesque que contre Bourassa le 15 novembre 1976.

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M. Legault prévoit que le PQ voudra faire de la tenue d’un référendum l’enjeu de la prochaine élection. C’est plutôt lui qui souhaiterait en faire la question de l’urne. Le PQ préférerait certainement qu’elle porte sur le bilan du gouvernement, mais le référendum apparaîtra inévitablement en toile de fond.

M. St-Pierre Plamondon a voulu voir une progression de la souveraineté dans les 36 % dont le dernier sondage Léger a crédité le Oui. En réalité, il fluctue dans la marge d’erreur depuis des années.

Il devrait plutôt se féliciter que la stagnation de la souveraineté n’empêche pas la progression de son parti. C’est comme si les électeurs s’étaient fait à l’idée que, même si c’était un mauvais moment à passer, un référendum était le prix à payer pour se débarrasser d’un gouvernement qui ne les satisfait plus, quitte à voter « non » si le PQ s’entête à en tenir un, comme ils l’ont fait en mai 1980 après avoir d’abord congédié les libéraux.

Ou peut-être croient-ils qu’en dépit des assurances répétées de son chef, le PQ finira par changer d’idée et qu’une fois élu, il préférera attendre que les « conditions gagnantes » soient réunies plutôt que de risquer une autre défaite, comme il l’a fait dans le passé.

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Pour le moment, il n’y a pas de débat sur la souveraineté proprement dite. En octobre dernier, la présentation du « budget de l’an 1 » a alimenté la discussion pendant deux ou trois jours, après quoi on est passé à autre chose. Le « livre bleu » prévu pour 2025 devrait rendre le projet plus concret, mais le PQ n’est visiblement pas pressé de détourner les projecteurs du gouvernement.

Le printemps 2025 sera également le moment où le PLQ, qui est présentement le grand absent, se donnera enfin un nouveau chef. Malgré ses efforts, M. Legault n’est pas très convaincant dans le rôle de Capitaine Canada. Le coeur n’y est pas vraiment. Il y a là un vide qui pourrait faire la bonne fortune de celui qui le comblera.

En 1976, l’arrivée au pouvoir du PQ avait créé un sentiment d’urgence chez les libéraux, qui avaient jeté leur dévolu sur Claude Ryan, comptant sur sa stature intellectuelle pour donner la réplique au camp souverainiste.

Cela aurait-il suffi à assurer la victoire du Non si la chute inopinée du gouvernement minoritaire de Joe Clark, à peine neuf mois après avoir été élu, n’avait permis le retour de Pierre Elliott Trudeau juste à temps pour la campagne référendaire ?

La popularité de M. Trudeau et les 74 sièges qu’il avait dit « mettre en jeu » sur sa promesse de changement, alors que M. Clark n’avait fait élire que deux députés au Québec, avaient permis de compenser le déficit de charisme chronique de M. Ryan.

Si jamais il y avait un autre référendum et que Pierre Poilievre était aux commandes à Ottawa, le chef du PLQ aurait tout un poids sur les épaules. Denis Coderre se porte volontaire, mais il vaudrait peut-être mieux continuer à chercher.

En 1995, le camp fédéraliste a trouvé une solution au problème que posait l’impopularité de Daniel Johnson, qui s’ajoutait à celle de Jean Chrétien, en faisant de Jean Charest le troisième membre du triumvirat du Non.

S’il est vrai que l’Histoire bégaie, le Canada trouvera peut-être encore une fois un sauveur. Il existe divers traitements ou techniques pour se débarrasser du bégaiement, mais le succès n’est pas garanti. Il a plutôt tendance à réapparaître au plus mauvais moment.

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