Les agriculteurs font-ils peur au gouvernement ? L’indulgence face aux violences interroge

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Les agriculteurs font-ils peur au gouvernement ? L'indulgence face aux violences interroge

L’exécutif fait jusqu’ici preuve de compréhension vis-à-vis des actions de protestation parfois musclées du monde de l’agriculture. A rebours de ses habitudes avec d’autres mouvements militants.

Depuis le début des mobilisations agricoles, l’exécutif marche sur des œufs. Pas question d’ajouter de l’huile sur le feu et d’attiser la colère des exploitants, le camp macroniste joue plutôt la carte de la compréhension et de l’indulgence. Au point de fermer les yeux sur des actions qui l’aurait fait bondir dans d’autres circonstances. Les agriculteurs font-ils peur au gouvernement ? 

Mardi 23 janvier, des exploitants bloquaient les grilles de la préfecture du Lot-et-Garonne en déversant du lisier, des pneus, mais aussi des tripes et du sang animal. Vendredi 19 janvier, une explosion causait d’importantes dégradations dans un bâtiment vide du ministère de l’Agriculture à Carcassonne (Aude), où des tags “CAV” (Comité d’action agricole) étaient découverts. Ces actions n’ont pas déclenché l’indignation de la classe politique.

En revanche, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a reporté sa loi d’orientation agricole, Gabriel Attal a reçu des représentants du mouvement à Matignon et Emmanuel Macron en personne a appelé à trouver “des solutions concrètes” à leurs revendications. Gérald Darmanin a même exclu mardi de procéder à une évacuation de l’A64 bloquée.

Un deux poids deux mesures

Cette tolérance particulière à l’égard des mobilisations d’agriculteurs n’est pas nouvelle, alors même que le secteur s’illustre régulièrement par des actions musclées : “La tradition de violence y est solidement ancrée et largement tolérée en France”, pointe Bertrand Hervieu, sociologue spécialiste des questions rurales, à BFMTV. “Il y a un certain consensus sur le fait d’être cléments avec les agriculteurs”, confirme Éric Doidy, chargé de recherche en sociologie pour l’INRAE, qui note que les auteurs d’actions violentes “ne sont jamais condamnés”.

Ainsi, la gestion politique des mouvements d’agriculteurs n’est rigoureusement pas la même que celle des autres mouvements sociaux. Lorsqu’en 1999, une soixantaine d’exploitants avaient envahi le bureau de la ministre de l’Environnement Dominique Voynet, tous s’en étaient tirés sans aucune condamnation. A titre de comparaison, lorsqu’en 2019 des Gilets Jaunes étaient entrés dans la cour du ministère de Benjamin Griveaux, alors porte-parole du gouvernement, le conducteur du charriot élévateur qui leur avait permis d’entrer avait écopé de neuf mois de prison ferme, rappelle BFMTV.

Le monde rural, enjeu électoral aux européennes

A cinq mois des européennes, le gouvernement essaie surtout de limiter la casse et redoute de s’enliser dans un conflit social semblable à la crise des gilets jaunes. D’autant que les agriculteurs capitalisent la sympathie des Français : 56% des personnes interrogées par l’Ifop souhaitent “soutenir plus largement” l’agriculture. Le monde rural est aussi un élément clé du prochain scrutin, pour lequel le Rassemblement national est donné grand favori. L’exécutif espère encore endiguer l’adhésion déjà massive de ce secteur aux discours du RN.

Pas question, donc, de donner l’image d’un Etat répressif et violent. Ce que confirme un CRS à BFMTV : “La politique, sur ce type de manifestations, est de laisser les agriculteurs montrer leur colère, brûler les ballots de paille, les pneus.”

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