Les «recettes annexes» deviennent cruciales pour les compagnies aériennes

Bagages, choix du siège, repas, divertissements : de nombreux services autrefois inclus dans le prix du billet sont devenus payants dans les avions, et certaines compagnies aériennes ne doivent leur rentabilité qu’aux suppléments acquittés par leurs clients.

L’annonce la semaine dernière de la fin des bagages de cabine gratuits chez Transavia, compagnie aérienne à bas prix du groupe Air France-KLM, est venue rappeler que ces « recettes annexes » résident au coeur du modèle économique des compagnies à bas coût, et de plus en plus de celui des autres.

Cette mesure est « déjà en place chez tous les concurrents de Transavia » (Ryanair, easyJet, Wizz air…), a remarqué jeudi le directeur général d’Air France-KLM, Benjamin Smith, dont le groupe a évoqué des tarifs variables et démarrant à 15 euros (22 $CA) par valise de cabine, et plus largement une « tarification dynamique » des options.

Air France-KLM, qui vise une marge opérationnelle de 7 à 8 % en 2024-2026, contre 5,7 % en 2023, après avoir perdu 10,4 milliards d’euros (14,7 milliards de dollars canadiens) cumulés en 2020 et 2021, s’est félicité d’avoir fait progresser de 53 % par voyageur ses recettes annexes depuis 2019.

Au total, celles-ci, qui recouvrent aussi les surclassements, les ventes de produits à bord et les partenariats avec loueurs et hôtels, ont atteint dans la société franco-néerlandaise 950 millions d’euros (1,4 milliard de dollars canadiens) l’année dernière, soit près de 4 % de son activité de transport régulier de passagers.

À l’échelle mondiale, selon le cabinet OAG, la part des revenus annexes dans les chiffres d’affaires des compagnies a plus que doublé entre 2013 et 2022, pour atteindre quelque 15 %, soit plus de 102 milliards de dollars américains (138 milliards de dollars canadiens).

« Dans la dernière décennie, les options sont devenues une pierre angulaire de la santé financière des compagnies », a ajouté cette société spécialiste de l’aérien : « Elles représentent une source de revenus cruciale dans un secteur aux faibles marges où la concurrence est féroce. »

La tendance pourrait même s’accélérer avec une croissance annuelle à deux chiffres de ces recettes d’ici 2030, selon des prédictions d’analystes compilées par OAG en juin 2023.

D’ores et déjà, « pour certaines compagnies aériennes, cela peut représenter jusqu’à 45-50 % de leur chiffre d’affaires. C’est le cas, par exemple, de Ryanair », explique à l’AFP l’expert du secteur aérien Paul Chiambaretto, professeur de stratégie et marketing à la Montpellier Business School.

Payer pour aller aux toilettes ?

Les compagnies à bas prix jouent sur l’effet d’affichage d’un prix de base attractif sur les sites Internet, alors que souvent, « lorsqu’on rajoute l’ensemble des options, le prix d’une compagnie à bas coût va être relativement proche de celui d’une compagnie traditionnelle », souligne-t-il.

De leur côté, les transporteurs présentent cette structuration des tarifs comme l’occasion de créer son voyage à la carte.

Au-delà du chiffre d’affaires, la contribution des options à la rentabilité des transporteurs s’avère cruciale. Dans une note de juin 2022, le cabinet McKinsey a remarqué que « les marges des services annexes sont généralement élevées » et que sans elles, « de nombreuses compagnies aériennes ne rentreraient pas dans leurs frais ».

« Les coûts additionnels que les options représentent pour la compagnie aérienne sont très faibles », confirme M. Chiambaretto, évoquant certaines recettes à « quasi 100 % de marge », notamment l’embarquement prioritaire.

Dans le cas précis des bagages de cabine, le raisonnement des compagnies à bas prix n’est pas que financier : pour réduire les délais d’embarquement et de débarquement et pouvoir programmer plus de vols quotidiens, elles ont intérêt à ce que les valises soient placées en soute.

Par mimétisme, de nombreuses compagnies classiques ont adopté de telles tarifications à la carte, jusque sur les long-courriers.

Reste une question : l’acceptabilité de certaines mesures et le risque d’un retour de bâton. Le patron de Ryanair, Michael O’Leary, a un temps évoqué le projet de rendre payant l’accès aux toilettes, provoquant une bronca.

Y arrivera-t-on un jour ? Pour un vol court, d’une heure et demie maximum, « on est prêts à tolérer à peu près n’importe quoi », répond M. Chiambaretto.

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