Les sages-femmes se disent menacées par Santé Québec

Le métier de sage-femme risque d’être dénaturé par le projet de loi 15 et la création de l’agence Santé Québec, dénoncent de nombreuses associations féministes et figures de proue du mouvement.

« Pouvoir choisir d’accoucher à la maison, est-ce que ce sera encore possible après l’adoption du projet de loi 15 ? » demandent-elles dans une lettre ouverte publiée mercredi.

« Ce qui est en train de se décider, c’est essentiellement la fin de la profession des sages-femmes telle qu’elle a été revendiquée jusqu’à ce jour. »

Les signatures soutiennent qu’avec l’Agence, il sera plus difficile, par exemple, de permettre à une femme de vivre un accouchement vaginal si elle a eu une césarienne précédemment.

De nombreuses organisations féministes, dont la Fédération des femmes du Québec (FFQ), ainsi que des figures de proue du mouvement comme Françoise David ont cosigné la lettre.

 

Au Québec, trois types de professionnels ont le droit de faire des accouchements : les gynécologues (et obstétriciens), certains médecins de famille et les sages-femmes.

Or les sages-femmes sont des travailleuses autonomes qui jouissent d’une autonomie professionnelle particulière depuis la légalisation de leur pratique en 1999. C’est cette autonomie qui est mise en péril par le projet de loi 15, explique Josyane Giroux, la présidente du Regroupement Les sages-femmes du Québec.

« On a tout fait. On a tenté de participer à la commission parlementaire et on n’a pas été invitées [NDLR : leur ordre professionnel a été invité, mais pas leur syndicat]. On a aussi tenté de contacter le cabinet du ministre. Et finalement, tous les amendements du projet de loi en lien avec le statut professionnel des sages-femmes ont été rejetés. »

« Totalement inflexible »

À titre d’exemple, les sages-femmes souhaitaient qu’en cas de plainte, ce soient des membres de leur profession qui les évaluent, alors que le projet de loi donne ce rôle au Conseil des médecins, dentistes, pharmaciens et sages-femmes (CMDPSF), une instance sur laquelle elles seront représentées, mais minoritaires.

Les suggestions d’amendements à ce sujet ont été rejetées, déplore le député libéral André Fortin. « On se l’explique mal parce que ce n’étaient pas de grandes demandes », fait-il remarquer. « Le gouvernement aurait pu simplement trouver une voie de passage dans ce dossier. »

Au dire du député de Québec solidaire Vincent Marissal, qui a présenté plusieurs amendements en leur nom, le sous-ministre qui défend le projet de loi (le Dr Stéphane Bergeron) s’est montré « totalement inflexible » en commission parlementaire. « Il s’enferme dans la logique que c’est mieux pour elles. »

En vertu du projet de loi, les femmes qui gèrent les centres de naissance relèveront d’un directeur médical, nouveau poste créé dans le nouvel organigramme de l’agence. Jusqu’à présent, elles ne relevaient pas d’un médecin, mais d’un gestionnaire (le ou la p.-d.g. du CIUSSS ou du CISSS).

De plus, les coordonnatrices de maisons de naissance verront leur statut changer et deviendront « cheffes d’un département clinique sage-femme ». Dans chaque région, l’une d’elles pourra en outre siéger au CMDPSF.

Reconnaissance ou contrôle ?

En commission parlementaire, le sous-ministre et médecin Stéphane Bergeron a dit que l’Agence reconnaissait ainsi l’importance des sages-femmes en leur donnant une place officielle dans sa hiérarchie.

En plus, la nouvelle loi leur donne le droit de pratiquer des accouchements à l’hôpital en plus de la maison de naissance, a-t-il répété.

Or les sages-femmes affirment qu’on les insère dans une structure hiérarchique qui va à l’encontre de leur philosophie, en plus de les placer sous la tutelle des médecins, qui sont majoritaires dans le CMDPSF.

Les sages-femmes disent concevoir l’accouchement comme « un processus biologique normal qui appartient à la personne enceinte, porteur d’une signification profonde pour la femme et sa famille ».

Elles considèrent que l’accouchement à l’hôpital est plus axé sur les « risques » et une « approche pathologique » de la grossesse.

À voir en vidéo

You May Also Like

More From Author