Québec montre Glencore du doigt pour la concentration de nickel dans l’air de Limoilou

Le ministère de l’Environnement désigne maintenant un coupable pour les dépassements répétés de la norme de nickel dans l’air de Limoilou : l’industriel Glencore, longtemps soupçonné mais désormais nommé explicitement, pour la première fois, par le gouvernement.

Le ministère présentait, mardi matin, le bilan du programme de surveillance accrue mis en place en avril 2022 dans la foulée de l’allégement controversé de la norme de nickel dans l’air. Les observations réalisées dans le cadre du plan de contrôle renforcé ont constaté qu’ « une relation existe entre le cycle des navires accostés aux installations de Glencore et les augmentations de nickel retrouvées à la station Québec Vieux-Limoilou ».

L’allégement du seuil de nickel dans l’air a fait passer la norme quotidienne de 14 ng / m3 à 70 ng / m3.

Malgré un standard cinq fois plus élevé qu’auparavant, les stations d’échantillonnage disposées à Québec ont relevé trois épisodes de dépassement important entre le 17 décembre 2022 et le 6 janvier 2024.

La concentration de nickel dans l’air de Limoilou oscillait alors entre 120 ng / m3 et 151 ng / m3. Chaque fois, un vraquier du géant Glencore embarquait du nickel au Port de Québec.

La cinquantaine d’inspections réalisées « au Port de Québec et à proximité » par le ministère dans le cadre de son plan de contrôle ont permis de constater des manquements, dont 12 méritaient l’attribution d’un avis de non-conformité (ANC).

« De ce nombre, souligne le ministère de l’Environnement, un ANC est en lien avec le nickel et onze portent sur différents manquements ayant peu d’impact sur l’environnement. »

Glencore a reçu un avis le 29 février dernier « pour ne pas avoir maintenu en bon état de fonctionnement et ne pas avoir utilisé de manière optimale un équipement permettant de réduire le rejet de contaminants dans l’environnement, entre le 29 décembre 2022 et le 6 janvier 2023 », indique le ministère dans un communiqué.

« Ils n’ont pas le choix »

Devant ces constats, le gouvernement a exigé des corrections de Glencore pour diminuer les émissions de nickel dans l’air lors de ses activités de transbordement. « L’entreprise devra fournir, d’ici les prochaines semaines, un plan de mesures correctives visant à éviter que ce manquement se répète », note le ministère.

Le ministre de l’Environnement, Benoît Charette, a salué le travail réalisé dans le cadre du programme de surveillance et annoncé que celui-ci se poursuivra en 2024. « Il pourrait y avoir des amendes, a-t-il indiqué. Nous prendrons tous les recours nécessaires afin que nos lois et règlements soient respectés. »

Le gouvernement attend de voir le plan de Glencore avant de sanctionner l’entreprise. Si la réponse de l’industriel tarde à venir ou si elle ne correspond pas aux attentes du ministère, celui-ci pourrait émettre rapidement un avis d’exécution pour imposer un échéancier à Glencore. « Nous avons tout un régime de contrôle qui permet des sanctions administratives. Si la réponse ne nous parvient pas assez rapidement et si elle est insatisfaisante, on ne laissera pas passer des semaines et des mois. »

« Moi, ce qui attire mon attention, c’est que le ministre ne sévit pas, a déploré le député solidaire de Jean-Lesage, Sol Zanetti. Il donne des échéanciers, des tapes sur les doigts, à une compagnie qui a fait 4,3 milliards de dollars l’année passée puis qui va pouvoir continuer de polluer sans contrainte financière. »

Le député a rappelé qu’une étude du ministère a déjà établi dès 2013 que le nickel provenait du Port de Québec. « Ça fait des années qu’on sait que c’est juste Glencore qui en transborde », a ajouté le député solidaire. « Ça fait longtemps qu’on est rendus aux sanctions. »

« Glencore doit s’adapter, Glencore doit s’améliorer : ils n’ont pas le choix », a réagi le maire de Québec, Bruno Marchand. L’avis de non-conformité remis à l’entreprise « avait déjà ébranlé les colonnes du temple », selon lui.

« Le ministère est prêt à aller plus loin et c’est tant mieux », a aussi indiqué le maire.

La conseillère municipale du district Limoilou, Jackie Smith, a rapidement crié victoire. « Le ministère pointe enfin du doigt les responsables, souligne-t-elle. Nous allons suivre de près les mesures que Glencore compte mettre en place pour corriger la situation et nous allons continuer de demander au ministère qu’il revienne aux normes antérieures de concentration de nickel dans l’air. »

Glencore, dans un courriel transmis le 1er mars au Devoir, insistait sur les investissements consentis jusqu’à maintenant pour diminuer la présence de nickel engendrée par ses activités au Port de Québec. « Notre engagement persistant en faveur de l’amélioration continue de guider nos efforts pour minimiser les émissions de particule, écrivait l’entreprise. Cela se traduit notamment par des investissements qui totalisent à ce jour 60 millions de dollars. »

Avec François Carabin et Marie-Michèle Sioui

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