Un trésorier de l’UPA déverse des matériaux non conformes en zone agricole

Un trésorier de l’Union des producteurs agricoles (UPA), aussi président du comité agricole de la Ville de Mirabel, a remblayé la terre qu’il cultive avec des matériaux non conformes, a constaté Le Devoir. Au courant de la situation depuis des années, le maire de Mirabel dit que la Ville assure le suivi et soutient que Québec et la Commission de la protection du territoire agricole (CPTAQ) devraient en faire plus pour contrer le déversement de résidus en zone agricole.

La partie arrière de la terre agricole du trésorier de l’UPA pour la région Sainte-Scholastique–Mirabel, l’agriculteur Dominic Lauzon, a des allures de terrain vacant. Des amas de briques, de béton, de tuiles et de ferraille s’entremêlent à la mauvaise herbe. Une guérite abandonnée rappelle qu’on y a accueilli dans les dernières années des camions de déchargement. Plus loin, des cônes orange tracent un chemin qui se rend à 200 mètres de la route. C’est là, au pied d’un imposant pylône électrique, que gît un amas de plus de deux mètres de pierres.

Dominic Lauzon ne s’en cache pas : ces matériaux n’ont rien à voir avec de la terre cultivable. Il explique avoir commandé, il y a quelques années, du sol pour remblayer la partie arrière de son terrain. « Mais je n’étais pas au courant que ce type de matériaux rentrait, dit-il pour se défendre. À cette période-là, je n’avais pas le temps d’aller voir tous les jours. »

Je n’étais pas au courant que ce type de matériaux rentrait. À cette période-là, je n’avais pas le temps d’aller voir tous les jours.

Du même souffle, il soutient que c’est l’entreprise Nycel Dépôt — responsable du remblai — qui n’a pas respecté la part de son contrat : « Il était censé terminer ça l’année passée. J’ai demandé cette année, il ne l’a pas fait. Je lui ai parlé souvent, et il a toujours repoussé les dates où il devait venir. »

Le propriétaire de Nycel Dépôt — qui se fait également appeler Remblai Expert depuis 2022 —, Dany Duchaine, a soutenu que « toute la terre est bonne » et que « le site va être cultivable quand on va avoir terminé les travaux ». Il a toutefois refusé d’avancer un échéancier. Lorsqu’on a évoqué la présence de briques, d’asphalte concassé, il en a minimisé l’importance. « On protège un chemin avec un peu d’asphalte ou des blocs de béton qu’on enlève à la fin du projet », a-t-il affirmé avant de couper court à la conversation.

Le président de la sous-division régionale de l’UPA, Marcel Denis, reconnaît être au courant de la situation « depuis au moins deux ans ». Il admet que le malaise est réel chez les autres administrateurs régionaux de l’UPA compte tenu du fait que M. Lauzon représente le syndicat agricole.

L’UPA a contacté le responsable de l’urbanisme de la Ville, qui, après inspection, a soutenu que le site était conforme. Une position qui a fait réagir M. Denis : « Nous, on a questionné. Disons que l’on connaît quand même ça, le milieu agricole, et ce qu’on sait, c’est que le type de sol [qui a servi de remblai] ne permet pas de faire de l’agriculture. »

En fait, l’UPA n’est pas la seule à avoir communiqué avec la Ville. Le Devoir a obtenu des communications dans lesquelles un membre du conseil municipal de Mirabel explique avoir alerté à quelques reprises — mais sans succès — le directeur général et le responsable de l’urbanisme.

Dans une entrevue avec Le Devoir, le maire de Mirabel concède que l’administration est au courant de la situation depuis des années. Il défend toutefois la Ville, qui, selon lui, n’aurait pas été inactive dans le dossier : « C’est mon service qui se serait aperçu que le rapport agronomique ne correspondait pas au permis [de remblai]. Moi, c’est l’information que j’ai eue. C’est ce qui nous a amenés à demander l’arrêt des travaux. On lui a demandé de se mettre conforme à son permis. »

L’emploi de matières de remblai inadéquates en terre agricole a été un problème majeur dans les dernières années, admet-il, expliquant qu’en 2020, la Ville de Mirabel a resserré la réglementation qui encadre le remblayage sur son territoire.

Or, au cours des six derniers mois — outre le dossier lié aux terres de Dominic Lauzon —, Le Devoir a révélé la réalisation d’activités problématiques de remblai sur deux autres terres agricoles de Mirabel. Une enquête publiée en juin révélait que le gestionnaire d’un écocentre de Mirabel, Service de recyclage Sterling, enfouissait des résidus en zone agricole. Le ministère de l’Environnement et la CPTAQ ont depuis ouvert des enquêtes. En août, un article relatait les activités de remblai non conforme de Construction Nexus effectuées sur une terre agricole de Mirabel. La CPTAQ avait confirmé avoir ouvert une enquête en lien avec les activités de cette importante entreprise d’excavation. Pour sa part, le ministère de l’Environnement lui transmettait en juillet une amende de 10 000 $ pour avoir répandu sur cette terre des matières contaminées.

Le maire Charbonneau dit ne pas être au courant de ce dernier dossier. Par ailleurs, il soutient que la Ville agit dans la mesure des compétences qu’elle détient. « Le gouvernement [du Québec], le ministère de l’Environnement et la CPTAQ vont devoir, aussi, en faire un petit peu plus pour aider les villes, parce qu’encore une fois, on est très bon pour “pitcher” le fardeau aux municipalités », affirme-t-il.

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