Une chute difficile à éviter pour Ron DeSantis

Après le deuxième débat télévisé des candidats républicains à la présidentielle américaine de l’an prochain, deux constats s’imposent : malgré sa tentative de montrer plus de dents face à Donald Trump, le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, présenté depuis des mois comme le rival le plus sérieux de l’ex-président, s’est finalement montré à la hauteur mercredi soir, mais trop peu, trop tard pour ralentir sa chute.

Quant à ce rassemblement des aspirants à la présidence, orchestré par le réseau Fox, il a permis, certes, à quelques-uns de faire bonne impression, mais sans doute pas assez pour arrêter l’absent le plus remarqué du débat, Donald Trump, dans sa course pour décrocher à nouveau le ticket républicain.

« Il est encore trop tôt pour faire des prédictions [sur l’issue de la primaire républicaine en cours], mais les chances de Ron DeSantis sont moindres aujourd’hui qu’elles ne l’étaient au début de la course, dit en entrevue au Devoir le politicologue Stephen Craig, professeur à l’Université de Floride. Il s’est infligé lui-même de nombreuses blessures en commettant plusieurs erreurs dans sa campagne. Il a aussi essayé de se distinguer de Trump en tentant de le dépasser par la droite, alors qu’il devrait en réalité se concentrer moins sur sa pureté idéologique et davantage sur l’éligibilité de son adversaire », affligé par de nombreuses poursuites devant les tribunaux.

Mercredi soir, depuis la bibliothèque présidentielle Ronald-Reagan de Simi Valley, en Californie, l’élu de la Floride a cherché à conjurer le sort en attaquant directement l’ex-président sur le bilan de son passage à la Maison-Blanche. Une attaque frontale tranchant avec la timidité exprimée depuis des mois par les opposants au populiste dans la course qui cherchent à éviter de s’aliéner la base électorale de Trump. Motif ? Ils en ont besoin pour se hisser à la tête de leur parti d’abord, puis au sommet du pays, ensuite.

« Où est Joe Biden ? a demandé Ron DeSantis dans les premières mesures du débat. Il manque à l’appel sur le plan du leadership. Mais savez-vous qui manque aussi à l’appel ? Donald Trump, qui devrait être là, sur la scène, ce soir, pour défendre son bilan. » Un bilan contenant selon lui une contribution de Trump à la dette américaine à hauteur de « 7,8 milliards de dollars » durant sa présidence, « ce qui a ouvert la voie à l’inflation que nous avons en ce moment », a-t-il laissé tomber.

Où est Joe Biden ? Il manque à l’appel sur le plan du leadership. Mais savezvous qui manque aussi à l’appel ? Donald Trump.

Ironiquement, Joe Biden s’est emparé de la déclaration du gouverneur républicain à peine formulée pour la diffuser immédiatement sur le réseau X, anciennement Twitter, accompagnée d’un simple : « Tout à fait d’accord. »

Mais ce changement de ton de Ron DeSantis risque de ne pas forcément changer le cap de sa trajectoire politique, croit Dennis Goldford, professeur de science politique à l’Université Drake, en Iowa. C’est dans cet État que les candidats républicains vont faire face à leur première échéance électorale, en janvier prochain, dans le cadre de la course à l’investiture en cours.

« Ron DeSantis a essayé de se présenter comme étant plus Trump que Trump, mais jusqu’à présent, il n’a pas réussi, dit M. Goldford depuis Des Moines, où Le Devoir l’a joint. Sa réélection relativement facile en Floride l’année dernière [au poste de gouverneur du troisième État du pays par sa population] l’a peut-être induit en erreur en lui faisant croire qu’il était un meilleur candidat qu’il ne l’est en réalité. Le problème, c’est que les républicains ne le trouvent tout simplement pas sympathique, alors que Trump, malgré ses nombreux travers, a encore un peu de charme à leurs yeux. »

La force du chiffre

 

Les intentions de vote en témoignent. La dernière mesure de l’opinion YouGov pour le réseau CBS confirme une avance de 30 points de Donald Trump sur Ron DeSantis dans les caucus républicains à venir en Iowa. Un sondage de l’Université du New Hampshire mené pour CNN plaçait la semaine dernière le politicien de la Floride en… cinquième place dans cet État, derrière l’ex-président, loin devant avec 39 %, mais aussi derrière la figure montante dans cette course, l’entrepreneur Vivek Ramaswamy, l’ex-ambassadrice des États-Unis à l’ONU Nikki Haley et l’ex-gouverneur du New Jersey Chris Christie.

« La course des candidats républicains n’a pas fondamentalement changé, a résumé le commentateur politique Osita Nwanevu dans les pages du quotidien britannique The Guardian, dans la foulée du débat de mercredi soir. Donald Trump […], figure désormais héroïque du Parti républicain, conserve et continuera de conserver une avance considérable sur ses rivaux qui, apparemment, ne peuvent espérer rien d’autre que la main de Dieu, et encore, pour le déloger. »

À trois mois et demi des caucus de l’Iowa et au lendemain d’un débat dont le principal gagnant est certainement le principal absent, Donald Trump, l’avance considérable du populiste semble impossible à freiner. Mais elle ne tient pas encore de la fatalité, estime Dennis Goldford. « En politique, une semaine, c’est long, dit-il. Oui, Trump s’impose comme le candidat républicain à ce stade, mais la course n’est pas terminée. »

La semaine prochaine, le procès de Donald Trump, poursuivi pour avoir menti sur la valeur des actifs de ses entreprises, doit s’ouvrir à New York. Mardi, le juge Arthur Engoron de Manhattan a d’ailleurs reconnu la solidité de la cause, que le populiste cherche à faire annuler, celui-ci estimant que son empire immobilier avait bel et bien été bâti sur plusieurs décennies de fraudes.

Après une série d’inculpations spectaculaires, le candidat républicain en tête va devoir faire face à la justice dans les prochains mois pour avoir tenté de faire falsifier à son avantage les résultats de la présidentielle de 2020 en Géorgie, pour avoir incité à l’insurrection contre le Capitole le 6 janvier 2021 et pour avoir conservé illégalement des documents secrets dans sa résidence privée de Mar-a-Lago, après avoir quitté la Maison-Blanche.

« En ce moment, toute prédiction serait hasardeuse, dit Stephen Craig. Nous devons simplement attendre de voir ce qui va se passer dans les prochains mois. »

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