La commission suspendue jusqu’à 10h30 ce mardi, ça coince sur les APL

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Les délais vont être serrés pour trouver un éventuel accord. La commission mixte paritaire (CMP) réunissant députés et sénateurs, chargée de trouver un compromis sur le projet de loi immigration, a été suspendue dans la nuit de lundi à mardi et ne reprendra que mardi à 10h30. 

Les membres de cette CMP ont examiné une quinzaine d’articles mais les discussions entre la droite et le gouvernement ont patiné sur la question controversée des prestations sociales versées aux étrangers, conduisant à cette suspension qui renforce l’incertitude sur l’avenir de ce texte qui fracture le Parlement.

Les discussions de la CMP avaient très vite tourné court, avec une suspension dès l’ouverture à 17 heures. LR veut conditionner les prestations sociales non contributives versées aux étrangers à cinq ans de présence sur le territoire (30 mois pour les personnes qui travaillent), y compris les aides personnalisées au logement (APL), que la majorité souhaite de son côté voir échapper à ces restrictions. Les tractations avaient repris à 21 heures. Avant d’être à nouveau suspendues après minuit.

« Les APL pour nous c’était une ligne rouge », a dit le député Ludovic Mendès, du parti présidentiel Renaissance. « Ce n’est pas négociable », a renchéri un de ses collègues, accusant LR de vouloir « remettre en cause l’accord ».

« Des victoires idéologiques », se félicite le RN

Tard dans la soirée, le RN avait le sourire. Le député Yoann Gillet (Gard), l’un des sept élus titulaires de la CMP, a évoqué des « victoires idéologiques ». « On se réjouit que ce texte reprenne un nombre considérable de positions que nous défendons depuis plusieurs années avec Marine Le Pen », s’est félicitée Edwige Diaz (Gironde), suppléante à la commission.

« La farce a assez duré », a tempêté le député écologiste Benjamin Lucas. « On ne peut pas sur un coin de table en dernière minute régler des questions aussi fondamentales », a-t-il ajouté, appelant le gouvernement à retirer le texte, comme il l’avait promis en cas de CMP « non conclusive ». « Dégoûtante négociation secrète LR/Macronie sur le niveau des discriminations et des brutalités que la droite extrême veut infliger aux migrants », s’est de son côté indigné l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon sur X.

« Questions rédactionnelles »

Les principaux obstacles semblaient avoir été levés avant cette réunion de sept députés et sept sénateurs de tous bords censés rechercher l’ultime compromis. « Ce sont des questions rédactionnelles maintenant », avait expliqué la députée LR Annie Genevard, qui siège à la CMP, tout en prévenant que « tant que la rédaction n’est pas calée on ne peut rien dire ».

Ajoutant à la dramaturgie du jour, l’exécutif avait répondu in extremis à un ultimatum de la droite en promettant par écrit, dans un courrier de la Première ministre Elisabeth Borne au président du Sénat Gérard Larcher, d’« engager en début d’année 2024 » une réforme de l’Aide médicale d’Etat, ce dispositif qui permet aux étrangers sans papiers de bénéficier de soins médicaux.

Le président de LR Eric Ciotti a lui aussi reçu sa lettre gouvernementale, du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui annonce l’accélération des délais de réalisation de nouvelles places en centre de rétention (CRA).

Des concessions risquées

Pour Emmanuel Macron, qui avait prôné vendredi « un compromis intelligent » et a reçu lundi Elisabeth Borne à déjeuner, c’est une étape cruciale de son second quinquennat. Après l’adoption surprise d’une motion de rejet le 11 décembre, qui a mis fin aux débats à l’Assemblée, le chef de l’Etat avait décidé de confier à une CMP la recherche d’un texte qui contente à la fois son camp et la droite.

Pour décrocher un accord, il a dû entériner un net virage à droite au risque de désunir le camp présidentiel. Notamment avec les concessions sur les allocations, destinées à rendre le modèle social français moins attractif mais qui pourraient braquer l’aile gauche de la majorité et font dire au leader communiste Fabien Roussel que les macronistes « perdent leur âme » en faisant « le choix de défendre la préférence nationale ».

Certains élus favorables au président avouent néanmoins compter sur le Conseil constitutionnel pour censurer plusieurs mesures très droitières, comme le resserrement du regroupement familial ou l’instauration de quotas migratoires annuels. La droite semble également avoir obtenu gain de cause sur les régularisations de travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, qui resteraient à la discrétion des préfets, ou sur la déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs de crimes contre les forces de l’ordre.

Vote incertain mardi

Si les dernières dissensions sont surmontées, le texte de la CMP reviendra mardi dans chaque chambre. Le vote du Sénat semble acquis, mais celui de l’Assemblée nationale est beaucoup plus incertain en raison notamment des divisions du camp présidentiel.

Elisabeth Borne est attendue mardi matin face aux députés Renaissance pour tenter de convaincre les récalcitrants. « Malgré les couleuvres avalées, on garde des mesures qu’on avait portées », positive un élu, insistant sur « l’intérêt de montrer qu’on est encore capables de légiférer ».

Les membres du groupe centriste Liot, jusqu’ici en soutien du gouvernement, risquent eux aussi de se diviser. Et même les LR, réputés peu disciplinés, pourraient compter dans leurs rangs des opposants autour du frondeur Aurélien Pradié.

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